Avec «La chanson de Renart» (Gallimard) qui sort ce mercredi 16 septembre, Joann Sfar plonge dans les récits médiévaux. Pour le plus grand bonheur de ses fans.
Après «Le Petit Prince» de Saint Exupéry ou «Candide» de Voltaire, Joann Sfar jette une fois de plus son dévolu sur un classique de notre littérature. Cette fois, le «Roman de Renart» devient «La chanson de Renart». «J'essaye de mélanger deux récits originels français : "Le roman de Renart", l'ancêtre de tous les récits comiques de théâtre, et "La chanson de Roland", le premier des récits épiques. J'ai eu envie de chevaleresque mais aussi de comédie», explique l'auteur à propos de son choix.
Une inspiration plus qu'une adaptation
Que les puristes passent leur chemin ! Ce premier volume d'une série qui devrait en compter trois, n'est pas une adaptation des 25 récits médiévaux bien connus des instituteurs. Si l'on retrouve ici Renart et son meilleur ami Ysengrin, le duo est projeté dans un monde bourré de codes propres à l'héroïc fantasy mais aussi du sens de l'humour de Joann Sfar. Les fans de Donjon ne seront donc pas déçus. Et les plus jeunes pourront entrer dans l'univers des récits médiévaux avec une certaine aisance.
© Joann Sfar - Gallimard BD 2020
Dans ce premier volume, Renart est condamné à pourrir en enfer par la population agacée par le voyou qui a toujours plus d'un mensonge dans sa poche. Même le bon Ysengrin, son meilleur ami, ne parvient pas à le sauver. Dans les entrailles de la Terre, Renart est alors témoin d'une conversation plutôt vive entre le Diable, la Mort, Merlin l'enchanteur et sa fiancée, Marie de France. Suite aux «effronteries» de cette dernière, La Mort promet d'éradiquer l'espèce humaine de la surface de la Terre avant que Merlin et Marie de France prennent la fuite. Renart, lui, remonte sans mal à la surface et propose à Ysengrin de sauver la planète du chaos. Pour cela ils vont devoir combattre des armées de squelettes, une jeune sorcière très puissante et s'adjoindre les services d'un apprenti sorcier meilleur en bagarres qu'en magie.
Une oeuvre très actuelle
Joann Sfar en convient lui-même : «J'essaye de faire en sorte qu'il y ait un sous-texte contemporain dans ce que j'écris, et j'ai l'impression que notre époque marque un retour très puissant vers le Moyen-Âge (...) : les soubresauts populaires, les grandes épidémies, les rois qui ont peur de leur peuple...». Derrière les pouvoirs magiques et les combats à l'épée, l'auteur du Chat du rabbin parle d'amitié : celle, inconditionnelle d'Ysengrin pour Renart malgré tous ses défauts, mais aussi d'égalités hommes-femmes : Marie de France (inspirée par la poétesse du XII et XIIIe siècle) souhaite que son métier d'écrivaine soit reconnu comme tel par son beau-père et sa belle-mère (le Diable et La Mort) et non parce qu'elle est une femme.
Joann Sfar aborde également le sujet des colères collectives qui annihilent tout jugement logique (ici la foule prend des décisions impulsives, un rapport avec les mouvements sur les réseaux sociaux ?) et aime à guider deux héros bourrés de défauts et de faiblesses. La vraie vie en quelque sorte.
© Joann Sfar - Gallimard BD 2020
Si les thèmes chers au dessinateur sont présents, on aime à se plonger dans cet univers à l'humour empli de second degré et suivre cette aventure menée tambour battant. Il faut dire que Joann Sfar n'est pas vraiment homme à apprécier les temps morts. Et il est fort à parier qu'il ne faudra pas patienter dix ans pour lire le deuxième volume.
La chanson de Renart, t.1 Le seigneur des entourloupes, de Joann Sfar, couleurs de Brigitte Findakly, Gallimard, 56 p., 16 €.