Les réactions ne se sont pas fait attendre ce mercredi après les annonces d’Emmanuel Macron pour aider la culture, fortement touchée par la crise sanitaire. Si certains saluent cette prise de parole, beaucoup s’inquiètent pour l’avenir et espèrent des réponses concrètes qui pourraient les sauver.
Le rappeur, écrivain et réalisateur Abd Al Malik a pu participer à cette longue discussion organisée par écrans interposés entre le chef de l’Etat et plusieurs artistes issus de différents domaines.
«C’est un signe fort et important pour le monde de la culture. On a le sentiment d'être pris au sérieux. Il y avait aussi des représentants des ministères de la Culture, de l'Économie, du Travail, et c'est bien que ce lien entre les trois secteurs ait été fait», a avoué l’artiste à l’AFP.
Si le président de la République a dit, selon lui, «des choses fortes», Abd Al Malik attend de voir «comment cela va se traduire sur le terrain», et avoue que le temps presse pour toutes ces mises en application. «Quand on a des grands mots, on doit avoir des grands gestes, des grandes actions. (…) Nous devons maintenant avoir du concret dans le court et le moyen terme», insiste le rappeur.
A l’issue de cette concertation, Emmanuel Macron a annoncé vouloir la prolongation des droits des intermittents jusqu’à fin août 2021. Jean-Marc Dumontet, propriétaire de six théâtres parisiens, dont Bobino, a salué «ce soutien au monde de l’intermittence» et le «ton volontariste» de l’exécutif, avouant que tous les artistes ont besoin «d’un message d’espoir».
Des craintes face à un avenir incertain
Mais l’espoir laisse souvent la place, en cette période dramatique, à la désillusion et à la peur de ne pas retrouver une activité pérenne avant plusieurs mois. C’est le cas de Loïc Bonnet, directeur du théâtre à l'Ouest à Rouen, interrogé ce mercredi sur CNEWS, qui ne croit pas à une réouverture de certains lieux de création comme les théâtres à partir du 11 mai, pour qu’ils puissent «fonctionner et répéter». Un souhait pourtant émis par Emmanuel Macron. «Répéter pour préparer une saison, mais avec un mètre de distance», cela lui paraît irréaliste. Néanmoins, Loïc Bonnet ne comprend pas pourquoi son théâtre serait «plus dangereux avec des masques et des gants, qu'un métro bondé ?». Autre interrogation concernant les intermittents : «on parle (d'eux) avec une année blanche, mais ils vont aller travailler où, si les théâtres sont fermés ?», s'exclame-t-il.
Loïc Bonnet, directeur du théâtre à l'ouest à Rouen : « Pourquoi ce serait plus dangereux mon théâtre avec des masques et des gants, qu'un métro bondé ? » pic.twitter.com/b7pn9YVuEa
— CNEWS (@CNEWS) May 6, 2020
Une inquiétude partagée par Jean-Paul Roland, directeur du festival des Eurockéennes de Belfort, dont l'édition 2020 a été annulée. «Ce qui reste en suspens, ce sont les mesures pour ceux qui vont les employer : les producteurs, les agences de spectacles, les festivals...», a-t-il expliqué à l'AFP.
L'ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a fait part de son mécontentement quant à «la mise en scène» d'Emmanuel Macron qui le «gêne beaucoup» et «sonne un peu faux». «Je n'ai pas aimé la forme, le côté premier de cordée (avec un homme) en manche de chemise parce qu'il est avec des jeunes et (...) avoir l'air sympa», a-t-il regretté jeudi sur RTL. Frédéric Mitterand n'est pas non plus certain que les intermittents invités à travailler auprès des enfants cet été aient vraiment envie «de devenir nounou pour colonies de vacances et réciter La Fontaine».
De son côté, l’animateur et journaliste Stéphane Bern regrette «qu’il n’y ait eu qu’un mot sur le patrimoine» lors des annonces. «On ne peut pas sacrifier la culture. Le patrimoine, c’est de la beauté et de l’art à portée de main. Cet été, la culture sera aussi ce qui nous environne. Et je pense aux guides conférienciers qui ne pourront pas travailler si l'on ne rouvre pas les sites patrimoniaux. Il faut penser aux intermittents, cette armée de l’ombre qui travaille pour la culture», a-t-il déclaré.
Stéphane Bern sur le «plan pour la culture» du gouvernement» : «Je pense que cet été, c'est 'je visite la France'» pic.twitter.com/PzZL06skj3
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Enfin Fabrice Piault, le rédacteur en chef du magazine Livres Hebdo, s'est dit étonné et déçu dans un entretien à CNews du silence du Président de la République concernant le secteur du livre qu'il estime en grand danger. Pour lui, la culture «a besoin d'un plan de soutien global dans lequel le livre a toute sa place». Ce fervent défenseur de cette filière rappelle ainsi que le livre constitue la première industrie culturelle, loin devant le cinéma. D'ailleurs, «Il innerve aussi les autres secteurs à travers les adaptations au cinéma, à la télévision ou au théâtre», a-t-il rappelé.
L’Etat devra donc encore plancher et apporter des réponses pour tenter de rassurer les quelque 1,3 million de personnes qui travaillent dans ce secteur au bord de l’asphyxie. Peu avant son allocution, le comédien Charles Berling avait interpellé Emmanuel Macron au micro de RTL, lui demandant de «s’impliquer de façon extrêmement forte dans ce renouveau de la culture». Parmi les propositions proposées par l’acteur : «un plan Marshall pour qu'on puisse avoir une vision à long terme».
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