Alors que le chef de l’Etat Emmanuel Macron dévoilera ce mercredi les premières mesures pour soutenir le secteur de la culture, fortement touché par la crise sanitaire, un rapport a été remis au gouvernement, détaillant les conditions nécessaires pour une réouverture des salles de cinéma et de spectacle. Mais beaucoup de professionnels et de gérants le trouvent inadapté, et s'inquiètent pour la survie du secteur.
Réalisé par le Professeur François Bricaire, infectiologue, ce rapport d’une trentaine de pages a été rédigé après consultation d'acteurs du secteur culturel au sein d'institutions aussi variées que le Moulin Rouge, l'Opéra de Paris, les syndicats du théâtre privé ou des producteurs indépendants. Evoquant plusieurs niveaux de confinement, le rapport fait la distinction entre lieux clos, ouverts et plateaux de tournage.
Concernant les salles de cinéma et les théâtres, les spectateurs, s'ils ne sont pas du même foyer, pourraient être séparés les uns des autres par un ou deux sièges, selon le degré de circulation du virus. Il faudrait également aérer la pièce pendant dix à quinze minutes après chaque séance ou représentation, et changer «régulièrement» les filtres de la climatisation pour empêcher toute propagation du virus.
A l’entrée de ces établissements, des gels hydroalcooliques seront mis à la disposition du public. Les bars et les buvettes qui proposent habituellement des boissons, pop-corn et en-cas seront fermés, sauf aménagements avec des parois en plexiglass par exemple. Les entractes seront eux aussi supprimés pour éviter des rassemblements.
Pour les lieux de répétition et de tournages, ce rapport recommande de «distancer les artistes grâce à une mise en scène adaptée», et d’adapter les vestiaires et les lieux de restauration. En cas d’impossibilité car la scène exige un rapprochement entre deux comédiens, la prise de température et des tests sérologiques devraient être mis en place. Dans les lieux clos, la présence d'un médecin sera obligatoire.
Des mesures sanitaires qui font débat
Toutes ces consignes restent difficiles à appliquer si l’on prend l’exemple d’un opéra qui accueille des instruments à vents qui peuvent projeter des gouttelettes et transmettre le Covid-19. Outre le nettoyage fréquent des instruments et une distance d'un mètre minimum entre les musiciens, l'instauration de panneaux transparents pourrait aussi être actée.
Ce rapport qui préconise surtout un port du masque obligatoire, ne fait pas l’unanimité dans le monde culturel. Certains acteurs le trouvent irréaliste, à l’instar de Jean-Marc Dumontet. Ce propriétaire de six théâtres parisiens (Bobino, Le Point-Virgule...) craint que ces mesures sanitaires ne rebutent au contraire le public à revenir dans les salles de spectacle. «Le rapport a le mérite de proposer mais pour nous, ça sera blanc ou noir : soit on peut rouvrir totalement, soit on ne peut pas. Je parle du spectacle vivant et du théâtre principalement. Si certains arts peuvent s'y prêter, peut-être un récital avec un pianiste, tant mieux et ça sera formidable car ça sera porteur d'énergie. Mais pour le théâtre, c'est impossible», a-t-il expliqué à l’AFP, ajoutant que le port du masque et la distanciation sociale peuvent donner l’impression que venir assister à une pièce est «dangereux».
De plus, ce remplissage limité des jauges va influer sur le chiffre d'affaires enregistré par les salles. A terme, les gérants qui n'auront pas fait faillite à cause de la crise, auront-ils suffisament pour payer l'ensemble de leurs salariés et des productions ?
des établissements encore et toujours à l'arrêt
Jean-Marc Dumontet n’est pas le seul à s’inquiéter de l’avenir de la culture en France, qui emploie au total 1,5 million de personnes. Nombreuses sont les personnalités du monde du cinéma et du spectacle à se demander quand ils pourront repartir sur des tournages, remonter sur scène et voir les théâtres et les salles de cinéma rouvrir. Ils se disent aussi «oubliés» par le gouvernement, tant les aides et les accompagnements les concernant se font attendre, selon eux.
Dans une tribune publiée par Le Monde le 30 avril, des artistes, comme les actrices Catherine Deneuve et Isabelle Adjani, les acteurs Mathieu Amalric et Omar Sy, le réalisateur Jacques Audiard, ou encore la chanteuse Clara Luciani, ont fait part de leur inquiétude, voire de leur mécontentement. «Monsieur le président de la République, lors de sa conférence de presse du 19 avril, le Premier ministre (Edouard Philippe), énumérant tous les secteurs d'activité, a oublié le secteur culturel. Combien de personnes vivant en France a-t-il oubliées avec nous ?, ont-ils écrit. (…) Nous vivons dans les supputations : comment feront les intermittents pour pouvoir continuer à acheter à manger après la prolongation de trois mois qui a été décidée ?». Suite à ces requêtes, plusieurs pétitions ont été mises en ligne et adressées au chef de l'Etat, lesquelles enregistrent jusqu'à présent plus de 230.000 signatures.
Des intermittents sur la sellette ?
L'accompagnement pour les intermittents et la survie des structures culturelles restent deux questions fondamentales auxquelles l’exécutif devra répondre. Alors que Xavier Bertrand, président (ex-LR) de la région Hauts-de-France, a déclaré ce mardi matin sur France Inter qu’il ne voulait pas que «la culture soit une oubliée ou une part marginale du plan de relance», Franck Riester, ministre de la Culture, a expliqué de son côté qu’il étudiait avec la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, un dispositif de protection des intermittents du spectacle. «Nous travaillons à prolonger les dispositifs pour que, notamment pendant l'été, ils ne soient pas pénalisés», a-t-il détaillé sur Europe 1. Et concernant une année blanche (une mise à zéro des compteurs sur le décompte des droits) défendue par les intermittents ? «Je ne le sais pas encore», a avoué Franck Riester.
@xavierbertrand, président @hautsdefrance : "Je ne veux pas que la culture soit une oubliée ou une part marginale du plan de relance" #CultureEtatdUrgence #le79inter
— France Inter (@franceinter) May 5, 2020
Coronavirus : "Nous allons protéger les intermittents sur le temps long", promet Franck Riester https://t.co/sZmGTHzT76
— Europe 1 (@Europe1) May 5, 2020
Des premiers éléments pourraient être dévoilés ce mercredi lors de la prise de parole d’Emmanuel Macron, qui devra prendre en considération les différentes requêtes et les rapports que le secteur lui a transmis pour que le public puisse retrouver à court, moyen ou long terme, une vie culturelle et sociale. «Aux artistes qui se sont exprimés, je veux dire que je les entends. L'État continuera de les accompagner, protègera les plus fragiles, soutiendra la création. L'avenir ne peut s'inventer sans votre pouvoir d'imagination», a écrit le chef de l’Etat dans un tweet posté le 2 mai.
Aux artistes qui se sont exprimés, je veux dire que je les entends. L’État continuera de les accompagner, protègera les plus fragiles, soutiendra la création. L’avenir ne peut s’inventer sans votre pouvoir d’imagination. Mercredi j'annoncerai des premières décisions en ce sens.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 2, 2020