Auteur du bestseller «Foutez-vous la paix», Fabrice Midal donne des cours en ligne de méditation. Pas d’injonction zen pour autant, le philosophe de formation milite pour une approche de la méditation qui ne fait pas l’impasse sur nos émotions.
Que peut apporter la méditation, notamment dans ce contexte extrêmement anxiogène de cette crise sanitaire que nous traversons ?
Fabrice Midal : Je tiens d’abord à rappeler qu’il existe deux approches de la méditation. La première est celle qui consiste à faire le vide dans sa tête, se sentir zen et calme, à se mettre à distance de nos émotions. Je ne la pratique pas et selon moi, elle s'avère contre-productive, d’autant plus anxiogène car elle nie nos émotions telles que la peur ou l’angoisse. Pour moi, la méditation doit faire le lien étroit avec ce que l’on ressent. Elle doit nous permettre de ressentir les émotions qui nous traversent. Méditer consiste, pour moi, à rencontrer ce que l'on sent simplement, en mettant entre parenthèses ce procureur général qui nous habite : notre jugement sur nous-même. Il faut savoir rester honnête face à ce qu’on sent. Il est important de laisser tomber l'obsession d'être positif et accepter nos peurs afin de pouvoir les dépasser ensuite.
Qu’apporte-t-elle plus spécifiquement en période de confinement ?
En règle générale, et pas qu’aujourd’hui, elle aide à accepter le vide, l’ennui et la solitude. Pour beaucoup, ce sont des choses insupportables, apparentées à la mort. La méditation peut aider à apprivoiser cet espace-là, à se ressourcer grâce au silence. Méditer parfois seulement cinq minutes dans sa journée permet d’accéder à cette solitude nécessaire pour se ressourcer, se retrouver. Dans ce contexte de confinement, parfois en famille et dans des espaces réduits, méditer aide à mieux vivre avec les autres. La vie en communauté nous fait nous perdre de vue, nous avons tendance à nous noyer notamment dans les tâches du quotidien. La méditation est une sorte de rendez-vous avec soi-même. En cela, ma manière de méditer est beaucoup plus rassurante que cette injonction à être zen et positif.
Il est important de laisser tomber l'obsession d'être positif et accepter la vieFabrice Midal
Avec ce confinement, la pression des gens – et notamment des parents – est accrue. Ils doivent tout gérer : travail, enfants, nourriture…
On a l’impression qu’on nous demande de faire comme si de rien n’était. Au lieu de mettre la pression aux parents, on ferait mieux d’adapter leur situation et celle des enfants à la réalité. Dans un premier temps, il faut d’abord prendre conscience de notre situation. Quand j’écris «Foutez-vous la paix», je veux dire qu’il faut s’autoriser à écouter ce que l’on vit, ce que l’on sent. Nous sommes tous déconcertés par cette situation. Est-ce qu’on s’autorise véritablement à la vivre ? Et pourtant, il le faut. Mais pour cela, il faut savoir faire la paix avec notre humanité.
Qu’appelez-vous «faire la paix avec notre humanité» ?
Souvent, on s’en veut d’être triste, de pleurer, d’être bouleversé. Mais il faut, au contraire, accepter d’être touché, d'être vulnérable. Méditer en se mettant dans une bulle hors de la réalité ne sert à rien à part repousser le problème. Au contraire, il ne faut pas avoir peur de toucher du doigt sa fragilité, sa tendresse. Grâce à la méditation comme je l’entends, on peut retrouver notre lien profond avec nos émotions, avec notre réalité. Et en faisant cela, on ne se met pas la pression. C’est important pour se retrouver.
Est-ce qu’il faut se couper du monde et de l’information ?
Encore une fois, ne nous mettons pas trop la pression mais il est certain que le trop plein d’informations empêche de savoir ce que l’on pense. Personnellement, je me coupe de l’information durant la moitié de la journée car ça ne me rassure pas, et empêche de trouver l’espace de confiance en moi. Méditer en accédant à nos peurs et nos angoisses, aide à mieux se connaître et donc acquérir une certaine confiance en nous, une véritable solidité.
L'injonction à positiver est l'une des plus grandes tyrannies mentales de notre époque
Finalement, il ne faut pas «positiver»…
La pire chose à dire à quelqu’un c’est «positive». Il existe une grande violence dans ce mot. L'injonction à positiver est l’une des grandes tyrannies mentales de notre époque. Je suis profondément inquiet de la diffusion de ce positivisme. Au contraire, méditer, avoir un espace pour rencontrer ce que l’on vit – et pas juste un vide intérieur faussement zen - se révèle très important.
Quel type d'impact sur nos sociétés peut avoir ce confinement ?
C’est un autre défaut de nos sociétés : on tire des conclusions hâtives avant même la fin de l’évènement. Passons d’abord l’épreuve, on tirera les leçons à ce moment-là. J’ai néanmoins une aspiration : j’espère que les gens vont découvrir qu’être avec soi-même, dans la solitude ou dans une intimité avec nos proches, nous permettra de transformer profondément notre vision de la vie. A partir de là, notre rapport au monde, notre compréhension des problèmes sociaux et politiques est plus juste. Méditer est peut-être la clef pour devenir des citoyens responsables.
Fabrice Midal est philosophe. Il donne des cours de méditation en ligne sur sa page Facebook et sur son site. Il est l'auteur du bestseller «Foutez-vous la paix» (éditions Pocket), disponible en livre audio (éd. Audiolib, 17,90€ en téléchargement). Il vient également de publier «3 minutes de philosophie pour redevenir humain» (éd. Flammarion, 18,90€)