A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, dimanche 8 mars, voici une sélection de trois nouveautés qui luttent contre l'ignorance et lèvent les tabous.
En proie au silence
© Akane Torikai / Kodansha Ltd.
Alors que le mouvement #MeToo a secoué les Etats-Unis avant de s'étendre à de nombreux pays occidentaux, l'Asie aussi a ses démons sexistes mais n'ose pas encore les dénoncer. Au Japon -pays où la misogynie est très ancrée-, le tabou est encore présent malgré l'affaire Shiori Ito. En témoigne le manga choc d'Akane Torikai, «En Proie au Silence», dont le premier chapitre est à lire chez Akata. L'auteure japonaise s'intéresse au destin de la jeune Misuzu, qui se terre dans le silence après avoir été victime d'un viol. Il lui faudra vivre un nouvel événement pour qu'elle se décide à élever la voix. «Une femme n'est jamais du bon côté de la balance», martelle-t-elle en son fort intérieur.
Pourquoi on aime :
Témoignage poignant et récit choc, «En Proie au Silence» est sans doute le manga incontournable de ce début d'année en France. A travers ce premier tome, Misuzu sort petit à petit de son rôle de victime muette, tout en perdant également ses repères lorsqu'il s'agit de sa féminité. Surtout, la mangaka a la brillante idée de confronter la jeune femme à son pendant masculin, afin de mettre en avant l'incompréhension entre les deux sexes. Les lecteurs japonais ont de leur côté salué le travail d'Akane Torikai, avec plus d'un million d'exemplaires vendus au Pays du Soleil Levant.
En Proie au Silence, de Akane Torikai, éd. Akata, tome 1 disponible.
Pucelle
© Florence Dupré La Tour / Dargaud
Tout commence par un éclat de rire familial. Florence Dupré la Tour, l'autrice, encore enfant, et les siens, sont hilares en écoutant l'histoire d'une grand-tante qui, ignorant tout de la sexualité, avait, durant sa nuit de noces, surgi de la chambre nuptiale en hurlant. La cause ? Son jeune mari avait tenté de lui enlever sa culotte. Point de départ du tome 1 de «Pucelle», nouvelle pièce au puzzle autobiographique de Florence Dupré La Tour initié par «Cruelle» (Dargaud), cette anecdote lance le récit de l'enfance de l'auteure pétrie d'ignorance.
Née dans une famille de riches expats, elle grandit dans une banlieue chic de Buenos Aires, avant d'être scolarisée en France dans un établissement privé catholique. Entre un père exerçant une tyrannie cruelle sur ses enfants face à une mère au foyer effacée, Florence Dupré La Tour ingurgite à l'école, comme à la maison, les préceptes d'une éducation stricte et catholique où les hommes sont rois en toutes choses. Pour l'enfant qu'elle est, devenir femme - avoir ses règles, des seins, des rapports sexuels, accoucher - n'était alors que pêchés et horreurs en tous genres. Et personne chez elle pour éclaircir tous ces mystères et la rassurer. Un cocktail détonant.
Pourquoi on aime :
Très loin de la comédie - et pourtant face au grotesque de certaines scènes, on ne peut que rire - , la dessinatrice raconte comment, dans son éducation, le tabou qui pesait autour de la sexualité et du corps de la femme, a pu transformer profondément sa vision de la vie, jusqu'à un désir de nier totalement son identité féminine. Face à ce premier tome de «Pucelle», la lecture se fait avide. Il ne faut pas s'y tromper ! Si le trait tout en rondeur et en simplicité apparente de Florence Dupré La Tour a quelque chose de rassurant, le propos, extrêmement fort, donne un véritable coup de pied dans la fourmilière de l'éducation des filles. Une lecture qui fera date.
La naissance en BD
© Lucile Gomez / mama éditions
Un recueil de conseils en matière d'accouchement ? Bien plus que ça. Lucile Gomez, autrice de BD et blogueuse, prend la plume et le crayon afin d'informer sur quelque chose de simple et d'archaïque, quelque chose que la médecine moderne a tendance à faire oublier : les femmes sont capables de donner naissance à leur enfant. Au gré d'un dessin ultra dynamique, Lucile Gomez fait le point, dans ce premier tome, sur la physiologie de la femme enceinte et sur ce qui se joue dans son corps, et dans sa tête, au moment de l'accouchement.
Pourquoi on aime :
Lucile Gomez semble avoir une obsession : déculpabiliser la femme et lui faire prendre confiance en elle. Pari réussi. Sans jamais se prendre les pieds dans le débat de la péridurale, l'autrice informe la femme enceinte sur les «super pouvoirs» de son corps et de ses hormones. Pour cela, il faut encore savoir laisser libre cours à la nature. Si la médecine moderne est heureusement là pour sauver les femmes et les bébés de graves pathologies, les femmes restent capables d'accoucher naturellement dans la plupart des cas. Au fil de ces 280 pages emplies d'humour, on comprend à quel point la médecine a «pris le contrôle» sur ce moment, laissant la femme dans une position passive et anxieuse, ne contrôlant plus la naissance et laissant toute la place aux doutes et à la peur. On referme le livre avec une furieuse envie d'être fière d'être femme. Une lecture nécessaire.
La naissance en BD, tome 1. Découvrez vos supers pouvoirs !, Mama éditions, 280 p., 25€.