Chroniqueur, attaché de presse, auteur et spécialiste de la variété française, Fabien Lecœuvre sort son autobiographie «Une chanson dans la tête». Le récit passionnant d'un petit garçon du Nord qui a atteint ses rêves, malgré les épreuves.
Au fil des quelque 300 pages de son ouvrage paru aux éditions Le Passeur (19,90 euros), Fabien Lecœuvre livre une multitude d'anecdotes sur les stars qu'il a pu rencontrer au cours de sa vie, mais il se dévoile aussi en toute intimité. Lui dont le père rêvait qu'il soit comptable ou ingénieur, mais qui a réussi à pousser la porte de cette entrée «réservée aux artistes» qui le fascinait tant.
Dans votre autobiographie, vous déclarez : «J’ai toujours été un adepte de la positive attitude. (…) Je n’ai cessé de garder cette foi en l’avenir et aux lendemains qui chantent». Pourtant, rien ne vous prédestinait à devenir l’un des plus célèbres attachés de presse…
Je suis en effet un optimiste qui a gardé son âme de petit garçon, toujours émerveillé. Mon enfance m’a conditionné ainsi. Mon père, brillant ingénieur, et ma mère, femme au foyer, se disputaient sans cesse. Mais, à l’époque, on ne divorçait pas. Je consolais mes deux sœurs et les rassurais quant à l’avenir. Ce que j’ai pu faire par la suite avec Michel Polnareff, angoissé comme tous les plus grands. Cette positive attitude attire les artistes, qui sont souvent des gens sombres quand ils quittent la scène.
Fabien Lecœuvre à 6 ans (© Drion / FLO)
Quelles sont les qualités d’un bon imprésario, appelé aujourd’hui agent ou attaché de presse ?
Il faut d’abord être à l’écoute. Les artistes ont des dénominateurs communs. Ils sont tous habités par le doute, l'angoisse, la peur du lendemain, tout en aimant la scène et son univers plein de paillettes. L'attaché de presse doit ensuite rassurer, tant par les mots que par la voix. Le succès a toujours été au rendez-vous pour moi. Je suis né pour aider les autres, et j'ai passé ma vie à trouver des solutions.
Quitte, parfois, à vous oublier ?
Peut-être… je suis très lucide. Si vous saviez la difficulté que j’ai eu à écrire ce livre. Il m’a fallu deux ans, alors que quelques mois suffisent pour conter la vie des autres. Je savais que serait long et douloureux, mais je voulais laisser une trace et expliquer qui se cache derrière l’homme qui dévoile les coulisses de la célébrité.
Etes-vous sensible aux critiques ?
La compositeur et producteur Claude Carrère m’avait dit un jour : «Tu sauras que tu as réussi au nombre de tes ennemis». Certains pensent que j’invente. Pourtant tout ce que je raconte est basé sur des faits réels. Je rétablis souvent une vérité sans la travestir. Je ne cherche pas à analyser ou à amplifier les choses. Je suis un narrateur, mais je ne juge jamais. Quand on fait ce métier, on a autant d’amis que d’ennemis. Mais il ne faut pas faire attention et continuer. Les hommes politiques sont des modèles pour moi. Ils restent sereins dans l’adversité.
Je suis un narrateur qui ne travestit pas la vérité.
Spécialiste de la chanson française, n’avez-vous jamais eu l’envie de devenir chanteur ?
A aucun moment. J’ai toujours souhaité être dans l’ombre. Quand j’étais plus jeune, je trouvais le métier d’imprésario beaucoup plus fascinant que celui de chanteur. Je suis entré dans la lumière par accident. Les livres que j’ai écrits pour d’autres ou les miens m’ont amené à la télévision. C’est grâce à mes écrits que j’ai participé pendant des années à l’émission «Les années bonheur» avec Patrick Sébastien, sur France 2. Aujourd'hui, j'interviens, par exemple, dans le programme «TPMP» présenté par Cyril Hanouna sur C8, et accompagne Wendy Bouchard chaque week-end, de 18h à 20h, sur Europe 1.
Quelle est votre plus belle rencontre ?
Joséphine Baker. Ce fut un choc. J’étais ado, et ma tante m’avait emmené la voir en 1975, à Bobino. Je savais que cette brillante chanteuse et meneuse de revue avait été une grande résistante pendant la Seconde Guerre mondiale. Durant l’Occupation, quand elle passait les frontières, elle dissimulait dans ses robes des informations pour la France Libre. Elle avait aussi été la marraine de guerre de mon grand-oncle. A l’issue de la représentation, elle dédicaçait les programmes. Elle était fascinée par mes grands yeux bleus. Quant à moi, j’étais impressionné de la voir habillée tout en paillettes. Elle ressemblait à Bambi avec ses faux-cils.
Une réaction après la mort de Michou, cette grande figure des nuits parisiennes qui s'est éteinte à 88 ans ?
C’était un homme très cultivé sous ses aspects frivoles. A une époque où l’homosexualité était encore un délit, Michou a ouvert, en 1956, à Paris, un cabaret où le genre transformiste existait. Cela était passible de 30 000 francs d’amende. Au-delà du personnage qu’il a créé et qui a inspiré, entre autres, «La cage aux folles», il a fait évoluer la société en normalisant la liberté sexuelle à travers un spectacle où de très jolis garçons imitaient France Gall, Sylvie Vartan, Dalida et Edith Piaf. Michou a eu un immense courage, et a été soutenu, tout au long de sa carrière, par les hommes politiques et les personnalités artistiques. Je le croisais souvent lors de ventes aux enchères. Il y a une dizaine d’années, il m’avait montré sa future sépulture. Un cercueil bien entendu bleu. Cette couleur, il la devait à sa mère qui vouait un culte à la Vierge Marie et l’habillait toujours en bleu ciel.
En compagnie de Michel Polnareff dont il gère la communication (© Drion / FLO)
Malgré une brillante carrière, avez-vous des regrets ?
Oui, concernant Claude François à qui je consacre le dernier chapitre de cet ouvrage. Alors que je n’ai cessé de le croiser, j’aurais aimé lui dire que j’allais défendre sa carrière posthume aux côtés de ses deux fils. Mais il ne m’aurait sans doute pas cru car il ne pensait pas disparaître si jeune.
Comment définiriez-vous le «star-system» ?
Je me souviens avoir demandé à Claude François pourquoi il portait toujours ses fameuses lunettes Ray-Ban, même les jours de pluie. Il m’avait répondu : «Les yeux d’une star ne doivent jamais croiser le regard d’un autre». C’est la définition du «star-system». L’idole devient une forme de dieu inaccessible. L’appellation «star» est aujourd’hui galvaudée. Il n’existe plus trop d’icônes qui traversent les époques.
Selon vous, «ce n’était pas mieux avant, c’était différent». Très attaché au patrimoine musical français, êtes-vous sensible à la jeune génération ?
Gauvin Sers me fascine. Il va avoir un immense destin. Son album «Les oubliés» s’est vendu à plus de 100 000 exemplaires. Ce jeune chanteur a la même fragilité et la même tendresse qu’avait Renaud au début de sa carrière. J’adore Abd Al Malik qui est un auteur sublime. Et la talentueuse Angèle qui écrit et compose, elle aussi, ses chansons.
Quelle chanson résume votre vie ?
Il y en a trois. «Le métèque» de Georges Moustaki que je connais par cœur, «Nuit et brouillard» de Jean Ferrat, titre appris à l’école, et «Chanson populaire» de Claude François qui vous remonte le moral quand vous être triste ou de mauvaise humeur.