Le duo d'artistes Pierre et Gilles investissent la Cité de la Musique pour une exposition tourbillonnante et musicale qui pourrait bien redonner le sourire aux plus taciturnes des Parisiens (c'est dire).
Tout débute dans une fête. C'est en tout cas ce qu'aiment à raconter Pierre et Gilles de leur rencontre. Ce duo d'artistes - Pierre le photographe et Gilles le peintre, tous deux nés dans les années 1950 - développent depuis 1976 une oeuvre reconnaissable entre toutes.
Ils font d'abord poser une célébrité ou un(e) ami(e) au sein d'un décor et dans une mise en scène qu'ils ont imaginée avant de peindre le résultat et de l'encadrer par leur soin. Une partie de leur travail, aux côtés d'installations imaginées pour l'occasion, est exposée jusqu'au 23 février à la Cité de la musique. Si ce début d'hiver vous attaque fortement le moral, alors courrez à l'exposition Pierre et Gilles pour :
Des couleurs plein les mirettes
Au-delà des photographies des nombreuses stars qui ont accepté de poser, ou même souvent commandé leurs propres tableaux, les oeuvres créés par le duo sont presque toutes des explosions de couleurs, entre décors fleuris, psychédéliques ou indianisant. Ici, les artistes se sont amusés à rassembler leurs oeuvres par thèmes. L'exposition débute très fort puisqu'elle plonge le public, dès la première salle, dans l'ambiance festive des «années Palace» auxquelles ils ont activement participé. Sous des boules à facettes, on peut ainsi y découvrir un Serge Gainsbourg déguisé en Père Noël, la sexy Bambou sous la douche ou la tête de Mick Jagger peinte en verte en train de tirer la langue au milieu d'un décor rose, mais aussi leur amie Marie-France Garcia déguisée en voyante.
Après être passé devant un étonnant «autel de la musique», direction «les icônes», salle plus sobre où sont exposés de nombreux artistes déguisés et peint à la manière des images pieuses catholiques. Fleurs, dorures, tissus de velour, cadres dorés, rien n'est trop fastueux pour Lio, Clara Luciani ou encore Arielle Dombasle, les stars qui ont joué le jeu pour représenter ces «saintes» à la sauce pop. Petit passage dans la «chambre de Sylvie», installation en forme de chambre de jeune fan de Sylvie Vartan, toute de rose décorée avant d'atterir face à un Michael Jackson au pays des vaches sacrées, puis de tomber nez à nez avec Dita Von Teese et Marylin Manson, posant heureux pour leur mariage fleuri.
La musique et la nostalgie de l'énergie des années 1980
Toutes ces couleurs n'auraient pas le même impact sur les rétines si Pierre et Gilles n'avaient pas savamment pensé à une bande originale pour leur accrochage et leurs installations. A chaque tableau correspond une musique diffusée dans le casque du visiteur. Si au début, on est tenté d'écouter chaque chanson, on se rend vite compte qu'il faudrait des heures pour faire le tour de toute cette playlist. A chacun de choisir selon ses préférences et c'est tant mieux ! Certains préfèreront ainsi «La grenade» de Clara Luciani à «Quand revient la nuit» de Sylvie Vartan. d'autres préfèreront «Para-noir» de Marylin Manson à «Kid» d'Eddy de Pretto. les nostalgiques danseront sur «Smile» de Michael Jackson ou sur «Alors on danse» de Stromae au milieu de la salle plongée dans le noir, et semblant uniquement éclairée par l'aura des tableaux et de leurs stars représentées.
L'humour de leurs créations
Pierre et Gilles se placent très loin du premier degré et toutes leurs créations sont infusées par un humour délicieux. D'abord les deux installations, placées dans des grandes niches, comme autant de fenêtre sur des petits sanctuaires. «L'autel de la musique» est composé d'une sorte de bric-à-bracs fait à base de portraits de stars, disques vinyls, objets kitschissimes comme ces bibelots religieux, peluches, souvenirs de la culture populaire des années 1980 ou encore des moules de visages à la manière des «gisants», comme si toutes ces petites choses hétéroclites formaient la mémoire saturée des artistes.
«La chambre de Sylvie», elle, représente celle d'une adolescente totalement rongée par son amour de la star, du rose et de la mièvrerie. Elle serait presque effrayante si elle n'était pas drôle. Pas de critique dure pour autant de notre société faiseuse d'idôles, mais une manière de rire de nos travers ridicules en vouant des cultes presque religieux à ces stars de la chanson. Pourtant, on sort de là reboostés, à la manière de bigots à la sortie de la messe. A la place ou en complément de la dosette de vitamine D en ampoule, cette expo hors des clous est bien un shot de nostalgie et de rire nécessaire en ce début d'hiver.
Pierre et Gilles, la fabrique des idoles, du 20 novembre au 23 février à la Cité de la musique.