Une moto rouge déchire la quiétude d'une autoroute abandonnée, ses phares impriment la pellicule, en toile de fond la ville de Neo-Tokyo s'étire vers le ciel en brillant de mille feux.
Ce souvenir, Akira l'a ancré dans la mémoire de millions d'adolescents qui ont découvert le film de Katsuhiro Otomo, sorti en 1988 au Japon. Un long-métrage qui s'offre une ressortie au cinéma (et en version 4K) ce mercredi 19 août en France. Culte pour une génération, indépassable pour de nombreux auteurs et réalisateurs, Akira est avant-tout un chef d'œuvre dans sa version papier. Ambassadeur du manga en France dans sa première publication en kiosque par Glénat à partir de 1990, Akira est encore plébiscité aujourd'hui par les lecteurs français.
Tout fan auto-proclamé de mangas se doit d'avoir lu cet incontournable. Après avoir sorti récemment l'édition ultime d'Akira, l'éditeur prépare également une box collector pour la fin de l'année. Une version approuvée par Otomo lui-même avec une nouvelle couverture et une traduction plus fidèle au format original, que nous recommandons aussi bien aux collectionneurs qu'à tous ceux qui ont rêvé de plonger un jour dans ce récit apocalyptique.
Nous sommes en 1982, lorsque le public japonais tourne les pages de ce qui deviendra la nouvelle référence de la science-fiction made in Japan. Les cases et le trait impeccables d'Otomo dépeignent la capitale japonaise qui se relève à peine d'une catastrophe liée à la 3e guerre mondiale (survenue dans un 1988 fictif), et qui est sur le point d'accueillir les JO en... 2020.
Une bande de lycéens frime sur leur motos jusqu'à ce que l'un d'entre eux, Tetsuo, évite de peu de faucher un enfant. Un accident qui sera le point de départ au retour d'Akira. Un autre enfant considéré par l'armée comme étant à l'origine de l'explosion qui ruina Tokyo, et perçu comme le Messie par une secte...
Cyberpunk et révolutionnaire
Complexe et visionnaire, le manga Akira s'inscrit dans son époque. Otomo y mêle des influences cyberpunks et révolutionnaires dans son pays, alors au sommet de la chaîne technologique mondiale. L'auteur s'empare du Japon des années 1980 et imagine ce qui pourrait le conduire à sa perte (corruption, conflits sociaux, jeunesse désoeuvrée, drogues...).
Orange mécanique, Mad Max, Tron... De nombreuses influences cinématographiques inspirent le maître. Invité d'honneur du festival d'Angoulême en janvier 2016, Katsuhiro Otomo avait confié à la presse son attachement «à contrôler le rythme du récit, comment attirer le regard du lecteur, l'inciter à s'arrêter sur certaines cases, réduire ou allonger les dialogues». Une précision quasi-mécanique qui fait mouche, et qui emporta l'adhésion d'un lectorat occidental acquis à sa cause dès qu'Akira fut traduit outre-Atlantique et en France. Mais ce goût pour l'Occident n'est pas la principale influence d'Akira, qui est aussi un condensé d'autres mangas, à l'instar d'Astro Boy du maître Osamu Tezuka ou encore Tetsujin 28 de Mitsuteru Yokoyama.
Un dessin animé ambitieux
A mesure que l'histoire d'Akira est publiée au Japon, le projet d'un dessin animé ambitieux germe. Le maître se lance alors dans l'aventure et suspend son travail sur le papier pour se consacrer durant plusieurs années aux celluloïds. Le long-métrage fut diffusé dès 1988 au pays du Soleil-Levant (1991 en France). Sur 124 minutes, les meilleurs animateurs du pays y étalent tout leur savoir-faire. A tel point qu'Akira restera durant de longues années comme l'animé le plus abouti dans sa réalisation. Et si son histoire reste la même que le manga, celle-ci ne connaît toutefois pas la même fin.
En France, Akira connaît un destin tout aussi louable. Adoubé par des dessinateurs de référence à l'instar de Jean Giraud, alias Mœbius -autre influence d'Otomo-, le manga connaît une première publication qui reprend l'édition américaine colorisée pour ne pas «déranger» le public occidental, encore peu habitué au noir et blanc des mangas et surtout avec un sens de lecture suivant les codes de la bande dessinée. Son format original finit par sortir à la fin des années 1990, toujours chez Glénat.
Aujourd'hui, les fans attendent (ou pas) l'arrivée du film live prévu dans les années à venir et produit par Warner Bros. Arlésienne dans le milieu du 7e art, ce projet devait être mis en scène par Taika Waititi (Thor Ragnarok, Jojo Rabbit) et supervisé par Katsuhiro Otomo. Mais le projet a pris du retard et Taika Waititi a laissé entendre en février dernier à Variety qu'il «n'était plus très sûr» d'être aux commandes de ce projet. Parallèlement, la série animée est actuellement en cours de production. Annoncée par Otomo lors de sa venue en France en 2016, celle-ci a pour objectif d'adapter l'ensemble des six tomes du manga. Un projet qui pourrait enfin ravir les fans de la première heure.
Akira, de Katsuhiro Otomo, distribué par Eurozoom dans les salles de cinéma françaises à partir du 19 août et dans sa version manga aux éditions Glénat.