Présenté en compétition vendredi et en salles le même jour, le 21e film de Pedro Almodovar, «Douleur et gloire», s'attarde sur la vie d'un cinéaste en panne d'inspiration. Une autofiction singulière et troublante.
Jamais l’Espagnol n’aura fait autant corps avec son œuvre. Avec «Douleur et gloire», Pedro Almodovar se raconte à travers le portrait de Salvador Mallo, un cinéaste vieillissant et dépressif qui dresse le bilan de sa vie, reclus dans son appartement décoré tel un musée.
Souffrant de douleurs au dos et de migraines chroniques, l’homme tourmenté ne parvient plus à trouver l’inspiration, préférant se bourrer de médicaments.
Quand la Cinémathèque de Madrid l’invite à un débat, suite à la projection d’un film qu’il a réalisé trente-deux ans plus tôt, Salvador Mallo renoue avec l’acteur principal avec lequel il était en froid depuis la fin du tournage. Ces retrouvailles vont le conduire à se replonger dans son passé, tout en devenant de plus en plus accro à la cocaïne. Dans un état semi-conscient, il repense à son enfance dans un quartier pauvre, à son entrée au séminaire, à son amant perdu, et à sa mère, autoritaire mais protectrice, dont il peine à accepter la disparition.
Chaque souvenir évoqué semble faire écho avec la propre vie de l’enfant terrible de la Movida qui fêtera ses 70 ans en septembre prochain. Jusqu’à la ressemblance physique avec le protagoniste qui renforce ce jeu de miroir. Barbe poivre et sel, cheveux en bataille, Antonio Banderas se veut comme un double et livre une performance remarquable pour sa huitième collaboration avec l’auteur de «Volver». Et pour compléter cet album réunissant ses proches, Pedro Almodovar a confié le rôle de la mère à l’une de ses actrices fétiches, Penélope Cruz.
Malgré un traitement plus épuré qu’à l’habitude, «Douleur et gloire» pourrait être un condensé de la filmographie de Pedro Almodovar. Les références à ces anciennes réalisations sont nombreuses, à l’instar de cette scène entre Salvador enfant et un curé qui nous rappellera «La mauvaise éducation».
La dernière venue à Cannes de Pedro Almodovar remonte à 2016 avec «Julieta». Avec ce récit introspectif, il se place parmi les favoris pour décrocher - enfin - une Palme d’or, après cinq sélections. Mais le réalisateur reste prudent. «Ïe connais très bien les règles du jeu. J'ai fait deux fois partie du jury, et je sais comment ça fonctionne», a-t-il confié à l’AFP.