Jean Sévillia, rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine et membre du conseil scientifique du Figaro Histoire, publie une "Histoire passionnée de la France" (Perrin). Un volumineux recueil dans lequel l'auteur du best-seller "Historiquement correct" entend défendre aussi une certaine idée de la France.
Votre livre se veut une Histoire "passionnée". Est-ce pour autant une histoire subjective de la France ?
Ce titre signifie que ma passion se porte sur la France. On peut aimer un objet sans qu'il nous aveugle. J'assume parfaitement ma passion pour l'histoire de France, mais je préconise une méthode dépassionnée, objective, capable de prendre suffisamment de distance. A la lecture de ce livre, beaucoup m'ont dit - y compris ceux qui ne partagent pas mon approche - que j'ai mené un travail très serein.
Faut-il aimer la France pour en bien écrire l'histoire ?
Non bien sûr. Nombreux sont ceux qui écrivent sur la France sans l'aimer pour autant. Pour ma part, je pars sans a priori négatif sur l'histoire du pays, sans volonté de repentance ou de démolir le passé. Des pages noires dans l'histoire de France, il y en a, mais cette histoire de France ne s'y réduit pas. J'ai voulu montrer tout ce que la France avait apporté de grand au monde et à elle-même.
Vous accordez une large proportion de votre livre à l'histoire contemporaine, au détriment par exemple du Moyen-Âge. Pourquoi ?
Plus on se rapproche dans le temps et plus les débats sont nombreux. Les périodes anciennes sont certes fondamentales, mais elles sont moins l'objet de désaccords. Parler des Mérovingiens suscite moins de controverses que d'évoquer Vichy par exemple. J'assume donc cette disproportion puisque ce livre entend participer au débat. J'ajoute que l'accumulation de savoirs sur la période moderne et contemporaine permet d'en parler avec plus de pertinence.
Quels sont les historiens que vous considérez comme des maîtres ?
Je n'ai pas essayé de me positionner par rapport ou dans le prolongement de tel ou tel. Peu d'auteurs se sont attelés à ce type d'écriture linéaire de l'histoire de France. Je citerais néanmoins Jacques Bainville qui a fait preuve d'un art de la synthèse sans pareil dans son Histoire de France paru en 1924, qui fut un immense succès. Mais son point de vue - il était notamment obsédé par la relation franco-allemande - est désormais un peu daté.
Comment expliquez-vous le succès de l'histoire dite "populaire", des émissions audiovisuelles au best-sellers comme celui, récent, de Lorànt Deutsch ?
Les gens que je rencontre, le courrier que je reçois, indiquent qu'il existe une très forte attente d'une histoire normative, qui redonne toute sa place à la chronologie et aux hommes. L'histoire désincarnée, d'où les dates sont absentes, a désemparé beaucoup de passionnés d'histoire. Qu'on s'en félicite ou qu'on le déplore, le roman national n'est pas mort. Le succès, par exemple, de "L'histoire de France pour les nuls" (First) en est un indice parmi d'autres.
Vous avez-aussi fait le choix de raconter une histoire "de France", cantonnée au frontière du Royaume, de l'Empire et de la République. Pourquoi ?
Là encore, les gens ont envie qu'on leur parle de la France. Même si c'est pour évoquer Vercingétorix, dont l'histoire est antérieure à la naissance de la France stricto sensu. Les Français ont besoin de réenracinement, d'avoir des repères. En témoigne par exemple les ventes remarquables de rééditions de manuels d'autrefois. L'histoire est un lien fondamental entre les Français, une arme de choix contre les communautarismes.
S'il vous fallait retenir trois personnages pour incarner l'histoire de France, quel serait votre choix ?
Jeanne d'Arc, pour le miracle que représente cette jeune fille qui, en restaurant le roi, va mettre fin à la guerre de Cent Ans. Henri IV, figure de l'unité nationale, roi populaire, réconciliateur de deux France. Napoléon, qu'on l'aime ou non, pour l'immense œuvre administrative et juridique qu'il nous a léguée.
Trois lieux ?
Le mont Saint-Michel, splendeur du Moyen-Âge et symbole de la fidélité au royaume de France pendant la guerre de Cent Ans. Versailles, signe du génie et du rayonnement de la monarchie, symbole de la vocation universelle de la culture française. Verdun, enfin, l'holocauste français, la grande épreuve, le sacrifice, et le lieu par excellence du patriotisme.
Trois dates ?
496 : date du baptême de Clovis, rappel de la matrice chrétienne de la France et début de l'aventure dynastique. 1789, le début de la Révolution, un tournant dont on ne peut faire l'économie en dépit de ses zones d'ombre. 1945, enfin, et la Libération : brisée et humiliée, la France montre néanmoins sa capacité à se libérer.
Jean Sévillia, Histoire passionnée de la France, Perrin, 555 p.
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