On pourrait les appeler les pèlerins de l’espace. Les frères Bogdanov, après leur précédent ouvrage sur Le mystère du satellite Planck (Eyrolles), tentent de trancher un débat vieux de plus d’un siècle. Dans La fin du hasard, les jumeaux reprennent la formule d’Einstein, «Dieu ne joue pas aux dés», et la couplent avec les récentes découvertes astronomiques autour du Big Bang. Le but : mettre un terme à l’idée que la vie aurait émergé du chaos et que l’Univers évoluerait au gré du hasard. De l’infiniment grand à l’infiniment petit, la matière qui nous entoure serait, selon eux, la conséquence d’un plan défini.
Votre définition du hasard ?
G. B. : La science nous montre que le hasard n’est pas ce que l’on croit. Il est étrangement programmé. Voltaire, déjà, en 1764 expliquait que «Ce que nous appelons le hasard n’est et ne peut être que la cause ignorée d’un effet connu».
Quelles sont les deux théories qui s’affrontent ?
I. B. : C’est le débat du fameux congrès Solvay de 1927 qui va opposer Einstein, qui ne croit pas au hasard, au physicien danois Niels Bohr, qui étudie l’infiniment petit et considère que les particules évoluent de manière imprévisible. Ce à quoi Albert Einstein répondra que «L’idée que l’ordre et la précision de l’Univers, serait le résultat d’un hasard aveugle est aussi peu crédible que si, après l’explosion d’une imprimerie, tous les caractères retombaient par terre dans l’ordre d’un dictionnaire».
Pourquoi tranchez-vous le débat aujourd’hui ?
G. B. : Si nous regardons l’infiniment grand, peut-on dire que l’Univers est né par hasard ? Non ! Au moment du Big Bang, tout est réglé par avance selon un scénario cosmologique. Il n’y avait qu’une chance sur un milliard de milliards de milliards qu’il apparaisse. Ce nombre interdit toute forme de hasard. Le satellite européen Planck – qui a été désactivé mercredi dernier – a passé quatre ans à scruter la première lumière de l’Univers, juste 380 000 années après le Big Bang. L’ordre qui règne alors dans l’Univers à cette époque prouve qu’on est loin d’une bouillie chaotique de matière.
La cause de cette absence de hasard existait-elleavant le Big Bang ?
I. B. : Oui, c’est au moment où l’Univers n’est ni énergie, ni temps, ni matière, mais information. Ces informations contiennent les lois qui régissent la matière, l’espace, notre vie, de manière ordonnée ou pas. Ce qui veut dire que le hasard lui-même est programmé. Comme il existe un code génétique préexistant à l’être vivant, cette «ère de l’information» serait constituée d’un code précis. Pensons au nombre pi, constitué d’une infinité de décimales qui n’ont jamais varié dans le temps et l’espace.
Qui est derrière ce code ?
Cette quête de la fin du hasard se confond avec la quête de la cause première. Les tenants de la religion appelleront cette cause Dieu, les métaphysiciens autrement. Les scientifiques sont toujours à la recherche de l’origine de ces lois de l’Univers. Qui est l’auteur du code ? Nous ne le saurons sans doute jamais.
La fin du hasard, Igor et Grichka Bogdanov, éd. Grasset, 20 €.
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