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Francis Ford Coppola, le parrain du 7e Art

Francis Ford Coppola[CC/C2-MTL]

Auteur d’Apocalypse Now et de la trilogie du Parrain, à deux reprises récipiendaire de la Palme d’or au festival, Francis Ford Coppola a marqué durablement l’histoire du cinéma. À l’orée des années 1970, il participa avec des réalisateurs tels que Martin Scorsese, George Lucas, Steven Spielberg ou encore Brian de Palma le « Nouvel Hollywood ». Retour sur la vie de celui qui fut nommé pour sa mégalomanie le « Napoléon du cinéma »

 

Archives – Article publié le lundi 21 décembre 2009

 

Fils de Carmine, premier flûtiste de l’orchestre symphonique de la NBC, et d’Italia, tous deux venus de la province de Basilicate, Francis Ford Coppola est un enfant atteint de poliomyélite et passe une grande partie de sa jeunesse alité, à Long Island –  à la manière de Martin Scorsese qui, lui, souffrait d’asthme. Il va donc cultiver son imagination, parvenant très tôt à mettre en scène de petits spectacles de marionnettes et surtout à réaliser ses premiers films amateurs, avec la caméra 8 mm de son père.

A la sortie du lycée, il entre dans une école de théâtre, qu’il abandonne pourtant bientôt pour l’UCLA, où il devient le condisciple de Jim Morrison, le futur leader des Doors, dont la chanson « The End » accompagnera le premier bombardement d’Apocalypse Now. Mais pour le moment – nous sommes au début des années 1960 –, le jeune Francis ne tourne encore que des films de commande à petit budget qui ne marqueront pas l’histoire. Il participe pourtant à l’écriture du scénario de Paris brûle-t-il ?, de René Clément, et réalise Finian’s Rainbow (La Vallée du bonheur), comédie musicale avec Fred Astaire et Petula Clark, dont c’est la première prestation outre-Atlantique.

 

Vidéo : Fred Astaire dans La Vallée du bonheur

 

 

En 1969, Coppola rencontre George Lucas avec qui il fonde les studios American Zoetrope, à San Francisco. Leur collaboration démarre sous de mauvais auspices : le coûteux THX 1138 de Lucas est un échec commercial et ruine momentanément leurs ambitions.

 

Vidéo : Bande-annonce de THX 1138

 

 

Mais c’est paradoxalement de cette déconvenue que viendra le salut pour Coppola. Obligé d’accepter des commandes, il écrit le scénario de Patton, pour lequel il obtient un oscar en 1971, et réalise Le Parrain. Le premier volet, sorti en 1972, lui vaut l’oscar du meilleur film. Le second volet lui permet d’asseoir son statut en remportant à une seconde reprise l’oscar du meilleur film et rafle à Roman Polanski qui présentait cette année-là Chinatown l’oscar du meilleur réalisateur. Robert de Niro, qui interprète le parrain Vito Corleone jeune, obtient également l’oscar du meilleur acteur dans un rôle secondaire.

 

Vidéo : Le Parrain (1972)

 

 

Entre ces deux épisodes de la saga des Corleone, Coppola trouve le temps de réaliser un film de sa composition, Conversation secrète. Histoire d’espionnage complexe avec Gene Hackman en vedette, le film concourt pour les oscars la même année que Le Parrain II,  situation inédite pour     un réalisateur et, surtout, rafle la Palme d’or à Cannes. Coppola est au faîte de sa gloire.

Il écrit alors le scénario de Gatsby le magnifique, d’après l’œuvre de Francis Scott Fitzgerald, fonde une revue à New York, un succès critique, mais qui n’empêche pas l’arrêt de la publication au bout de deux ans, et continue de produire les œuvres de son ami Lucas, dont le célèbre American Graffiti (1973). Comme ce dernier s’est déjà lancé dans une épopée galactique avec chevaliers jedi et robots humanisés, renonçant au tournage du nouveau film de Coppola, le cinéaste doit prendre en charge la réalisation d’Apocalypse Now, adaptation du roman de Conrad, à laquelle il a travaillé cinq années durant.

 

Vidéo : Le Parrain 2 (1974)

 

 

Apocalypse now : un tournage de légende

Qui ne se souvient de la fameuse scène d’ouverture, dans une chambre d’hôtel où le bruit des pales d’hélicoptères se mêle à celui, isochrone, du ventilateur ? Martin Sheen, alias Willard, est allongé, prostré. Pour donner à cette scène toute sa puissance, l’acteur principal de Coppola dans Apocalypse Now avait en fait passé deux jours à s’enivrer seul dans une chambre d’hôtel. Cette anecdote résume l’histoire du tournage, qui frôla trois ans durant la folie et la mort.

 

Vidéo : Scène d’ouverture d’Apocalypse Now

 

 

Pour le rôle de Willard, Coppola avait d’abord choisi Harvey Keitel. Mais la mésentente s’installa rapidement entre l’acteur et le réalisateur, qui lui préféra finalement Martin Sheen. Il n’eut presque jamais à le diriger, tant Sheen s’était naturellement glissé dans la peau du personnage tourmenté qu’est l’officier subalterne Willard, lancé à la recherche de l’étrange colonel Kurtz, au fond de la jungle cambodgienne.

Librement inspiré d’Au cœur des ténèbres, roman de Joseph Conrad, Apocalypse Now fut tourné dans la jungle philippine, avec l’aide du dictateur Marcos, qui mit gracieusement ses hélicoptères à disposition de Coppola. Mais au fil des mois, l’ambiance devient de plus en plus tendue : Martin Sheen est victime d’une crise cardiaque ; sous l’emprise de stupéfiants et quasiment obèse, Marlon Brando, qui doit incarner le colonel Kurtz, ne sait même pas son texte. Coppola tait l’état de santé de l’acteur pour ne pas affoler les producteurs et fait venir le frère de la star des États-Unis durant sa convalescence afin d'en faire une doublure pour réaliser des plans de dos.

Coppola dira plus tard : «Apocalypse Now n’est pas un film sur le Viêt Nam, c’est le Viêt Nam. Et la façon dont nous avons réalisé Apocalypse Now ressemble à ce qu’étaient les Américains au Viêt Nam. Nous étions dans la jungle, nous étions trop nombreux, nous avions trop d’argent, trop de matériel et petit à petit, nous sommes devenus fous

 

Vidéo : Apocalypse Now, « l’horreur, l’horreur »

 

 

Fin 1976, Coppola revient aux Etats-Unis avec des centaines d'heures d'images, mais ne peut encore procéder au montage, tant la qualité de celles-ci est insuffisante. Finalement, quand s’achève le tournage, il ne dispose plus que de 250 heures de film pour se lancer dans le plus difficile des montages. Entre-temps, Coppola lui-même a commencé à se droguer. Il a connu l’extase mystique, mais aussi tenté de mettre fin à ses jours après avoir perdu 40 kilos.

Décrit comme mégalomane, agressif et paranoïaque, il a persécuté son équipe de montage, qui s’est révoltée, tandis que le chef monteur, Dennis Jakob, a manqué de perdre la raison et menacé de détruire les bandes. Mais en 1978, le film est enfin prêt. En mai 1979, Cannes le découvre, ébloui. C’est un chef-d’œuvre qui lui vaut une nouvelle Palme d’or, partagée avec Volker Schlöndorff, pour Le Tambour. En 2001, sort la version redux du film, dans un montage remanié et présentant des séquences inédites, dont la célèbre séquence de la plantation française.

 

Tumultueuses années 1980 et 1990

Au cours des deux décennies qui suivront la glorieuse décade que furent les années 1970, Coppola ira de déconvenues en déconvenues. Il y réalise des films plus personnels qui n’emporteront pas le succès mérité.

Bien que la production de Kagemusha, l’ombre du guerrier du maitre japonais Akira Kurosawa s’avère lucrative, ses projets suivants, tels que Coup de cœur (1982), qui fut en son temps un des budgets les plus important de l’histoire du cinéma, Rusty James (1984), Cotton Club (1984), un projet initié par le producteur du Parrain Robert Evans, ou Jardins de Pierre (1987) sont tous des échecs commerciaux. Malgré un engouement critique, notamment pour le diptyque constitué de Outsiders et Rusty James, le succès commercial reste confidentiel tout en révélant des acteurs qui deviendront indispensables par la suite : Tom Cruise, Nicolas Cage, Patrick Swayze, Mickey Rourke, Richard Gere, Matt Dilon, Diane Lane …

 

Vidéo : Rusty James

 

 

Ruiné, Coppola accepte de tourner des films de commande tels que la fantaisie 3D Captain Eo avec Michael Jackson, pour les parcs Disney et le film à sketches New York Stories. Sous la pression de Paramount il accepte d’écrire et de réaliser Le Parrain, 3e partie (1990) où le parrain joué par Al Pacino, anéanti par le remord, cherche sa rédemption. Le film, un semi-échec commercial, le contraint à poursuivre les œuvres de commandes dans les années 1990 : Dracula (1992), Jack  (1996) et L’Idéaliste (1997). Le succès de Dracula lui permet de sortir de ses difficultés financières mais ne pas de retrouver le pouvoir et l’influence de ses débuts.

Dès lors, il se retire progressivement et se contente de produire le Frankenstein de Kenneth Branagh avec Robert de Niro et Sleepy Hollow de Tim Burton. Son activité de producteur le pousse également à soutenir les projets de sa fille Sofia (Virgin Suicides, Lost in translation, Marie Antoinette) et de son fils Roman (CQ).

 

Vidéo : Captain Eo

 

 

Le retour

En 2007, dix ans après L’Idéaliste, Coppola revient avec un film plus personnel, à plus petit budget et réalisé avec une équipe réduite en Roumanie. Dans L’homme sans âge, adapté d’un roman de l’auteur roumain Mircea Eliade. Si le film se solde par un échec et est rejeté par une partie de la critique, il assure le retour en force de Coppola et ouvre une voie plus personnelle dans son cinéma.

 

Vidéo : Tetro

 

 

En 2009, son retour se poursuit avec Tetro, filmé en noir et blanc et en Argentine. Dans ce film, Coppola explore la rivalité entre son père et son oncle, tous les deux compositeurs de musiques. Ample fresque sur la famille, thématique que l’on retrouve dans toute la filmographie de Francis Ford Coppola depuis Le Parrain jusqu’à Rusty James, Tetro plonge le spectateur au fond d’un cœur meurtri et de drames familiaux aux conséquences imprévisibles. Vincent Gallo, dans le rôle de Tetro, livre une prestation impressionnante, tout comme le jeune Alden Ehrenreich (Bennie), dont c’est ici le premier rôle.

En 2012, sort Twixt, où viennent se mêler des éléments autobiographiques (la mort tragique de son fil Giancarlo dans un accident de speedboat en 1986, lors du tournage de Jardins de Pierre) et des réminiscences d’Edgar Allan Poe

 

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