Il est aujourd’hui l’un des acteurs incontournables du cinéma français. Retour sur un parcours exemplaire.
ARCHIVE
Kad Merad, de son vrai nom Kaddour Merad, est le fils d’un immigré algérien et d’une Berrichonne. Son père, arrivé en France à 16 ans, applique à la lettre le modèle d’intégration en vigueur dans les années 1950. Ouvrier dans la banlieue de Saint-Etienne, Mohammed Merad se fait appeler Rémi. A la maison, on ne parle pas arabe, mais on ne renie pas pour autant ses origines : les autres enfants du couple s’appellent Karim, Reda et Mina. A contre-courant de cette volonté familiale de ne pas faire de vagues, Kad l’adolescent rêve des feux de la rampe, aussi attiré par la musique que par la comédie.
Peu porté sur les études, il arrête le lycée à 16 ans et enchaîne les petits boulots, jusqu’à décrocher un job d’animateur au Club Med. C’est là qu’il fait ses premiers pas sur scène comme musicien. Avant de devenir l’un des acteurs les plus courtisés du cinéma français, Kad Merad s’est illustré en tant que chanteur et batteur. Sur les bancs du lycée, il se produit avec plusieurs groupes de rock. Toujours prêt à pousser la chansonnette, il a joué dans plusieurs groupes de rock aux noms souvent incongrus. « Nous avons collectionné les noms bidons. Le plus nul, c’était les Gigolo Brothers, parce que dans le répertoire, il y avait le titre « Just A Gigolo », que je chantais d’ailleurs. En fait, j’étais chanteur et batteur, comme Phil Collins », ironise-t-il. « Et à 15 ans, il y a eu le groupe Les cravates, puis Hystérésis, un terme physique qui désigne une courbe exponentielle. Pas mal pour un groupe de hard rock », s’amuse-t-il. Avec les Gigolo Brothers, restés ses «potes» depuis, et avec lesquels il reprenait à l’époque les standards rock.
Nul besoin de chercher ailleurs : c’est de là que vient sa propension à pousser la chansonnette à plaisir, observée encore et encore au fil de sa carrière de comédien. C’est là aussi que se décide sa vocation. Ayant goûté à la scène, Kad Merad veut désormais s’y faire une place, et il s’inscrit aux cours de comédie de Jacqueline Duc.
Vidéo : Compilation du « Kamoulox » de Kad et O
Rencontre décisive
Une part de chance, beaucoup de travail et de talent ont conduit Kad Merad au sommet. Sur sa route, l’artiste a su s’entourer et se constituer sa propre famille du cinéma. A commencer par son alter ego, Olivier Baroux. Mais qui a tué Pamela Rose ?, Iznogoud ou Un ticket pour l’espace : après ses frasques radiophoniques et télévisuelles, le duo inséparable se retrouve à maintes reprises au cinéma. Olivier, le plus souvent derrière la caméra. Kad, devant, à faire le pitre, art dans lequel il excelle. « Avec Olivier, nous fonctionnons comme un couple, nous nous disputons très régulièrement. Je le respecte, bien sûr, en tant que metteur en scène, mais je ne peux m’empêcher de voir aussi l’ami quand il me dirige », explique le comédien.
En 1991, Kad Merad délaisse son poste de serveur dans une pizzéria pour intégrer l’équipe de Ouï FM, la radio rock de la capitale. Il rencontre Olivier Baroux qui deviendra son partenaire de jeu, son complice et son meilleur ami. A l’époque, Olivier Baroux est animateur. Rapidement, les deux énergumènes partagent l’antenne. Ils se voient confier leur propre émission moins d’un an plus tard. Ce sera le Rock’n’roll Circus, une émission décalée et humoristique devenue culte dans les mémoires des adolescents parisiens de l’époque. En direct et en public, chaque mercredi depuis le club parisien le Globo, Kad et Olivier se livrent à une enfilade de sketches où coexistent le meilleur, avec les prémices de leur œuvre à venir, comme le pire – et quand le duo fait un bide, le public du studio lui réclame un strip-tease.
Le duo de comiques est repéré en 1997 par l’animateur Jean-Luc Delarue, qui décide de leur proposer une chronique à la fin de son émission Déjà dimanche. Grâce à cette chronique, le grand public découvre pour de bon les humoristes. De cette période, l’un comme l’autre parlent peu, ou bien en termes mesurés, et l’on croit deviner que la cohabitation avec l’animateur ne s’est pas toujours faite sans heurts.
Vidéo : Qui a tué Pamela Rose ?
Tandem en roue-libre
Si Jean-Luc Delarue les a fait connaître, c’est une autre figure tutélaire qui va les révéler, tant au public qu’à eux-mêmes : deux ans plus tard, Dominique Farrugia. Reconverti en patron de chaîne sur Comédie !, l’ancien Nul leur confie la présentation de La grosse émission. Pendant deux ans, ils vont y façonner, affiner et exprimer leur humour singulier, où se côtoient les personnages les plus loufoques et les situations les plus surréalistes. L’expérience est un succès et permet au duo de se faire connaître.
Leur collaboration avec Dominique Farrugia, ne s’arrête pas là. L’ex-Nul, réalisateur et producteur, offre en 2001 à Kad Merad le rôle de Mr Golden dans son film La stratégie de l’échec et a produit la comédie de Frédéric Berthe, RTT, dans laquelle Kad Merad donne la réplique à Mélanie Doutey. Les deux comédiens se sont également croisés sur le tournage de Ce soir, je dors chez toi d’Olivier Baroux.
Au terme de ces deux saisons, les compères, attirés par le grand écran depuis longtemps, se lancent dans l’aventure du septième art. Ils adaptent au cinéma leur série de sketches la plus fameuse, Qui a tué Pamela Rose ?, parodie déjantée des polars américains. Le film sort en 2003 et, bien que très irrégulier, reçoit un accueil plutôt bon, atteignant le million d’entrées. L’essai est concluant, la suite de leur carrière aura pour cadre les salles obscures.
Vidéo : Bande-annonce de Mais qui a tué Pamela Rose ?
Le grand écran révèle un grand talent
Mais quand on s’est fait connaître à deux, le défi est de réussir à exister tout seul. Si Kad Merad avait déjà fait quelques essais en solitaire, il s’agissait de petits rôles, de brèves apparitions qui relevaient souvent davantage du clin d’œil que du rôle de composition.
Le tournant intervient en 2003, quand le duettiste accepte d’interpréter l’un des personnages principaux des Choristes aux côtés de Gérard Jugnot. Le projet a tout du piège sur lequel se casser les dents. Pour sa première réelle expérience loin de son acolyte, il s’engage dans une comédie dramatique, par conséquent dans un registre qu’il n’a pas encore expérimenté, et qui plus est au côté d’un cinéaste, Christophe Barratier, dont c’est aussi le premier long métrage. Le pari est risqué, mais il s’avère vite payant. Le film remporte un succès public inattendu, cumulant huit millions et demi d’entrées en dix semaines d’exploitation. Pour tous, c’est la révélation : Kad Merad n’est pas qu’un bouffon désopilant, c’est un comédien complet, au répertoire varié.
Vidéo : Bande-annonce de Faubourg 36
Il retrouve Barratier quatre plus tard pour Faubourg 36. Dans ce dernier long métrage, l’acteur retrouve Gérard Jugnot et son ami Clovis Cornillac. « Connaître ses partenaires aide au jeu », affirme-t-il. Car «faire du cinéma» implique de travailler en équipe. Un plaisir pour Kad Merad. L’ambiance bon enfant lui rappelle les années qu’il a passées au Club Med avant de connaître la célébrité.
Fort de ce premier succès, le comique poursuit sur sa lancée, alternant les comédies «poids lourd» (Les Dalton, Iznogoud) et les premiers films et projets plus intimistes (Monde extérieur, Les oiseaux du ciel, J’invente rien). En 2006, il retrouve son ami et complice O pour une nouvelle comédie écrite à quatre mains. C’est Un ticket pour l’espace qui, malgré un brillant casting et quelques dialogues savoureux, peine à trouver un public.
Vidéo : Bande-annonce d’Un Ticket pour l’espace
Adoubé par ses pairs comme par le public
Commençant à se faire un nom parmi les acteurs français que l’on remarque, Kad Merad continue à tourner à un rythme soutenu, et selon des choix invariablement dictés par les mêmes critères. Peu de super-productions dans sa filmographie, si ce n’est pour y faire une apparition en guest star. Il privilégie toujours les petits budgets et les plateaux familiaux. C’est ainsi qu’il hérite du rôle de père de famille dans l’adaptation que monte Philippe Lioret du roman d’Olivier Adam Je vais bien, ne t’en fais pas. Dans ce drame, l’acteur fait totalement oublier son passé de comique pour livrer une interprétation toute en nuances mais d’une puissance bouleversante, unanimement saluée par la critique. Une prestation qui est légitimement récompensée en 2007 par un césar du meilleur second rôle. Cette distinction vient couronner le talent d’un acteur qui a su dépasser le registre dans lequel il s’était illustré pour explorer des territoires inconnus, aux conséquences potentiellement dangereuses.
Vidéo : Bande-annonce de Je vais bien, ne t’en fais pas
Si besoin était, ce précieux sésame lui a définitivement ouvert toutes les portes du cinéma hexagonal. Pour autant, Kad Merad ne modifie pas sa manière de choisir les projets auxquels il s’associe. Il s’aventure ainsi dans Essaye-moi, première tentative derrière la caméra de l’ancien Robin des Bois, Pierre-François Martin-Laval. Il poursuit dans la même veine avec quatre petites comédies légères (Je crois que je l’aime, La tête de maman, Pur week-end, 3 amis). Le film suivant à tout pour se retrouver dans la continuité de la série. Il s’agit d’un projet que monte Dany Boon, et que le comédien rejoint au dernier moment, n’ayant pas été pressenti initialement. Ce sera Bienvenue chez les Ch’tis, avec le destin qu’on lui connaît.
Vidéo Extrait de Bienvenue chez les Ch’tis
En 2010, Kad Merad a rendez-vous avec la nouveauté. A son palmarès déjà bien rempli – trente-trois films et le césar du meilleur second rôle (Je vais bien, ne t’en fais pas) – le comédien humoriste peut désormais ajouter deux cordes à son arc: un spectacle musical, Rendez-vous, et une première réalisation, Monsieur papa, sorti en mars 2011, dans lequel il se met en scène aux côtés de Michèle Laroque et Vincent Perez. Une expérience arrivée par hasard. « Je ne pensais pas avoir un jour envie de réaliser, explique Kad Merad. Attention, ce n’est pas un caprice ni une coquetterie de vedette. Il y a plusieurs mois, on m’a proposé, en tant qu’acteur évidemment, un sujet qui m’a bouleversé. Quand Pathé a commencé à chercher un réalisateur, je leur ai demandé un rendez-vous. Je voulais leur démontrer que j’étais la meilleure personne pour raconter cette histoire ». En l’occurence, celle d’un enfant sans père, d’une mère débordée et d’un homme à la recherche d’un emploi. «J’ai très vite compris le langage du cinéma, poursuit Kad Merad. Je n’ai pas été noyé. Je me suis tellement éclaté que j’ai envie de recommencer.»
Vidéo : Bande-annonce de Monsieur Papa
Ses récents succès au cinéma ne semblent pas avoir altéré son naturel et sa simplicité. « A chaque fois, c’est un recommencement. Comme un match de football, tu dois sans arrêt faire tes preuves et remporter la partie», explique-t-il. «Très tôt, j’ai eu envie de jouer. Je me suis inscrit à un cours de théâtre et j’ai tenté des castings, le plus souvent très humiliants, ajoute l’acteur. J’ai débuté il y a vingt ans, le chemin a été long, mais j’ai toujours espéré y arriver un jour.» Pari tenu. La tête de maman, 3 amis, Faubourg 36, Mes stars et moi, Kad Merad tourne en moyenne quatre films par an. Un rythme effréné qui ne l’effraie pas. «Je ne sais pas rester en place. Si tout doit s’arrêter, je préfère profiter plutôt que de m’économiser.» Assis dans le canapé, une tasse de café à la main, l’acteur avoue avec humilité ne faire que son métier : jouer. Le souvenir d’un père qui chaque matin se levait pour aller travailler reste ancré dans sa mémoire.
James Debbouze, le parrain du rire
Kad Merad, Superstar à Venise : « la louse, c’est la classe ! »