Après avoir raconté l’histoire de son père dans Les enfants de la liberté et s’être penché sur les mystères de l’origine du monde dans La première nuit, Marc Levy s’intéresse à l’enfance avec Le voleur d’ombres. Dans une petite ville de province, un enfant se rend compte qu’il est capable de converser avec les ombres et même de les subtiliser à ses propriétaires. Devenu étudiant en médecine, il va se rendre compte que ce pouvoir lui permet d’accomplir des miracles. Renouant avec la fibre fantastique de ses débuts, Marc Levy reprend ses thèmes les plus chers, l’enfance et la fin de cet âge d’or, l’amitié et la famille. L’occasion de rencontrer l’auteur contemporain français le plus lu dans le monde, de passage à Paris.
Archive – article publié le mercredi 23 juin 2010
Vous avez commencé comme bénévole à la Croix-Rouge, avant de devenir chef d’entreprise, puis romancier. Cela prouve que vous avez le goût de l’aventure, non ?
Marc Levy : Très jeune, j’étais épris de liberté. J’ai vite pris conscience que si la société ne venait pas à moi, j’irais vers la société. S’engager auprès d’une association à seulement 18 ans fait prendre conscience que le centre de la vie ne se trouve pas en soi, mais en l’autre. D’autre part, cela donne le sens des responsabilités. Ensuite, avec un de mes amis, j’ai traversé les Etats-Unis à bord d’une vieille voiture pour finir par créer une société dans la Silicon Valley (qui était encore un désert).
Comment, de jeune entrepreneur, passe-t-on au statut d’écrivain ?
M. L. : Je n’étais entrepreneur qu’en apparence. Ce que j’aime, c’est créer. C’est rendre mes idées possibles. Je discutais, il y a peu, avec mon ami Igor Bogdanov qui me racontait ses suppositions d’il y a vingt ans devenues réalité. On en est venu à la conclusion que dans la vie, il y a deux catégories de personnes : les gens qui croient en «et si» et ceux qui croient en «ce n’est pas possible». Un jour, j’ai juste cru en la possibilité d’écrire.
Vidéo : Marc Lévy parle avec Le Figaro de son roman
Le succès fut immédiat. Aujourd’hui encore, vous dites avoir du mal à y croire...
M. L. : C’est en fait très abstrait. J’ai choisi d’écrire, non pas de monter les marches du palais des festivals à Cannes! Il y a peu, j’ai croisé la personne qui a découvert le virus du sida. Ce genre de rencontre permet de relativiser: je ne fais que des livres, vous savez !
Etre loin de Saint-Germain-des-Prés (l’auteur habite New York, ndlr), aide-t-il à la création ?
M. L. : Coluche disait que lorsqu’«on faisait partie du milieu d’un milieu, on ne pouvait plus voir ce qui se passe à l’extérieur». Cette pensée n’a pas pris une ride. En tout cas, l’écriture consiste d’abord à regarder ce qu’on écrit et non pas se regarder en train d’écrire. Pour rédiger, j’ai besoin de regarder tous les détails de la vie. Je ne dis pas qu’à New York, la vie soit plus intéressante qu’à Paris, mais c’est tout de même une ville où il y a une plus grande diversité culturelle, ethnique et surtout où l’on ne juge pas l’autre avant de l’avoir rencontré. Il n’existe pas de racisme social et tant d’a priori. En France, je trouve la société bien plus hiérarchisée, plus figée.
Est-ce vrai que vos romans sont étudiés à l’école ? Quels sont les livres qui vous ont marqué ?
M. L. : Ils le sont. C’est un peu la revanche du cancre que j’ai été! Mes premiers coups de cœur littéraires furent Jacques Prévert, Romain Gary et René Barjavel et sa fabuleuse Nuit des temps.
Vidéo : bande-annonce du Voleur d’ombres de Marc Levy
Le voleur d’ombres reprend la veine fantastique de votre premier roman. En quoi le fantastique est-il important pour vous ?
M. L. : Le fantastique permet la métaphore. Dans Et si c’était vrai..., je parle de solitude urbaine. Dans Le voleur d’ombres, c’est une histoire d’ombres, j’aborde la question du courage de faire face à ce qui ne va pas chez soi ou chez l’autre. C’est aussi une métaphore de l’enfance. L’enfant sait encore regarder son ombre et sait aussi faire face aux incompréhensions, l’adulte est plus lâche, contourne les problèmes. Tout est une question de regard, de perspective, de priorités.
L’écriture semble en être une pour vous, avec un livre par an...
M. L. : Oui ! Quand je rentre en écriture, je travaille quinze heures par jour. Je pourrais comparer l’écriture à de la cuisine. On peut passer des heures en cuisine et le faire sans prétention, avec amour et dans l’attente du bonheur de rendre les autres heureux. C’est ce que j’essaie de faire avec mes livres.
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