En direct
A suivre

Amélie Nothomb : « J’écris sur mon canapé à Bruxelles et sur une chaise à Paris »

Amélie Nothomb en 2012[Capture d'écran Youtube]

Amélie en septembre, Noël en décembre : on connaît la maîtrise du calendrier littéraire de l’auteur de Stupeur et tremblements. Pour 2009, elle a offert à ces fidèles lecteurs Le voyage d’hiver où Zoïle tente de projeter un avion sur la tour Eiffel, pour l’amour d’Astrolabe. Rencontre exclusive.

 

Archive – article publié le vendredi 4 septembre 2009

 

Vos personnages sont toujours en décalage avec la réalité...

Amélie Nothomb : Oui, ils donnent en permanence un sentiment d’imposture. Ils sont en dehors de la réalité et ne font rien pour changer les choses, bien au contraire. Zoïle, par exemple, qui veut se coltiner à la réalité, ne trouve pas d’autre moyen que de passer à l’acte absolu, soit détourner un Boeing 747 pour le précipiter contre un monument mythique. C’est son moyen d’entrer en contact avec la réalité. Mais même là, il échoue. Ce livre est le récit qu’il fait de la préparation de son acte : mais si on peut le lire, c’est bien qu’il a échoué. Et, aux dernières nouvelles, la tour Eiffel se porte bien...

 

Zoïle, le narrateur, n’est-il pas un peu féminin dans ses désirs ?

A. N. : Vous savez, je ne crois pas qu’aucun bon personnage de littérature puisse être situable sexuellement. Voyez, dans l’Antiquité, le rusé Ulysse, qui possède les attributs des deux sexes dans son caractère. Il est vrai qu’Achille, lui, est l’expression de la testostérone, mais Homère a écrit L’Odyssée et non «L’achillée».

 

Le personnage de l’écrivain «neuneu», c’est vous ?

A. N. : Je crois que l’auteur joue toujours un rôle très important dans la triangulation romanesque. Donc, c’est un peu moi en effet. Je fais illusion médiatiquement, mais quiconque passerait une demi-journée en ma compagnie verrait rapidement les points communs qu’il y a entre A. Malèze – cet écrivain – et moi-même.

 

Vidéo : Interview Amélie Nothomb (1/3)

 

 

Par exemple ?

A. N. : Je n’écris jamais à un bureau. J’écris sur mon canapé à Bruxelles et sur une chaise à Paris. Quand j’ai emménagé à Paris, en 1997, je n’avais aucun meuble et pas le temps d’en acheter. J’ai donc ramassé une chaise près d’une poubelle dans la rue et, depuis, c’est sur elle que j’écris mes livres. Je m’en trouve très bien. D’ailleurs, je n’ai pas d’ordinateur et j’écris sur des cahiers. Tout ce qui est technique, informatique m’est étranger : je n’ai pas Internet, ne sais pas m’en servir et j’en reuse, car j’en connais qui se sont perdus dans la Toile et n’en sont jamais sortis.

 

Zoïle, lui, ne veut pas être un terroriste...

A. N. : Zoïle passe à l’acte par amour. Il y a chez mes personnages criminels de manière générale une coquetterie : même s’ils commettent des actes qui y ressemblent, ils ne veulent pas qu’on les prenne pour des serial killers ou des terroristes. Ils ont des visées très aristocratiques et, même s’ils ne méritent pas ce rang, ils désirent toujours s’abstraire, loin du monde commun.

 

Pourquoi vous limitez-vous au roman ?

A. N. : C’est un genre «gueux» qui me va très bien, parce qu’il est très fourre-tout. Les genres «nobles», comme la poésie et le théâtre, m’impressionnent.

 

Vidéo : Interview Amélie Nothomb (2/3)

 

 

Vous êtes-vous déjà essayée à une écriture plus surréaliste ?

A. N. : Il faut créer les conditions de son propre surréalisme. Mais être belge suffit : la Belgique est la nation surréaliste par excellence. Aujourd’hui plus que jamais, tout Belge est poreux, soumis à diverses influences. D’ailleurs, il mange toute la journée du chocolat et des spéculos.

 

Lisez-vous vos contemporains ?

A. N. : Oui, bien entendu. Je crois que la rentrée littéraire, par exemple, est très importante. J’ai lu Yannick Haenel, Marie N’Diaye et Frédéric Beigbeder cette année.

 

Beigbeder avec qui vous avez un point commun : l’évocation des stupéfiants...

A. N. : J’ai la faiblesse de croire en la supériorité de «mes champignons» sur sa coke ! Mais il est vrai que nous sommes peut-être là dans une réaction commune à l’ignorance grandissante du législateur sur les drogues.

 

Vidéo : Interview Amélie Nothomb (3/3)

 

 

Vos personnages n’ont de paradis qu’artificiels...

A. N. : Mes personnages recherchent ce qui touche à l’universel, ici l’amour sublime. Mais ça ne marche pas. Ils sont dans l’ici et maintenant et traquent l’extase terrestre. Cela n’empêche pas qu’il y ait chez eux une dimension mystique, mais qui serait du mysticisme intransitif, sans objet. Le but, c’est d’être mystique en soi, d’être dans un élan vers la transcendance.

 

On a l’impression qu’à la fin, il ne peut y avoir que la destruction.

A. N. : Plutôt que la destruction, je dirais que ça se termine dans le chaos, qui est à l’image de la vie. Je n’ai pas des fins figées, mais chaotiques. La littérature n’a pas pour but de remettre en ordre le monde, elle est un but en soi. C’est comme la beauté ou Dieu, on n’en sort pas, comme dirait saint Augustin qu’on a fêté il y a quelques jours. Oui, je suis très calée en fêtes, car je m’occupe aussi pour mon éditeur d’un calendrier des saints.

 

Le premier amour d’Amélie Nothomb

Amélie Nothomb : « Le risque exalte le bonheur » 

Amélie Nothomb : « l’immense majorité de ce que j’écris n’est pas oublié »

 

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités