Nombreux sont ceux qui prédisaient au cube multicolore une courte existence. Plus de trente ans après sa création, le Rubik’s Cube se porte comme un charme et le jouet conserve son rang d’objet culte.
Archives – Article publié le jeudi 8 novembre 2007
Professeur d’architecture d’intérieur et sculpteur à Budapest, Erno Rubik imagine au printemps 1974 le premier prototype du Rubik’s Cube. A l’origine, l’invention porte le nom hongrois «Büvös Kocka», signifiant «Cube magique». Passionné de géométrie et de formes en trois dimensions, Erno Rubik bricole un cube à l’aide de bois, de carton et de plastique. Le casse-tête se compose de six faces articulées et ornées de petits carrés rouges, jaunes, bleus, verts, orange et blancs. L’objectif ? Rassembler les cubes d’une couleur similaire le plus rapidement possible sur chacune des six faces de l’objet grâce à un axe de rotation central. Il aurait fallu plus d’un mois à Erno Rubik pour reconstituer le cube.
En 1977, il teste sa création auprès de ses élèves, qui se révèlent être une excellente cible. Le professeur cherche à développer leur perception de l’espace et leur réflexion sur le mécanisme interne. Pari réussi, ses étudiants ne suivent plus ses cours, obnubilés par leur nouveau jouet !
Une naissance à huit clos
A l’époque, le rideau de fer «sépare» la zone soviétique des Etats occidentaux pendant la guerre froide. Aucune publicité concernant les produits fabriqués en Hongrie n’est tolérée au-delà des frontières des pays de l’Est. Le Rubik’s Cube apparaît dans un premier temps dans les vitrines de boutiques de jouets de Budapest. En l’espace de deux ans, par le simple bouche à oreille, les ventes s’envolent et Erno Rubik décide de rechercher des associés pour la fabrication industrielle de son cube magique.
Au cours de l’un de ses voyages en Hongrie, Tibor Lacsi, docteur hongrois résidant à Vienne, découvre le Rubik’s Cube et décide en février 1979 de le présenter au Salon du jouet de Nuremberg, en Allemagne. Sur place, il fait la connaissance de Tom Kremer, inventeur hongrois installé à Londres. Les deux hommes s’associent avec Erno Rubik. Kremer débute aussi- tôt une grande tournée internationale afin de démarcher les groupes de jeux.
Le résultat se solde par un échec. Le produit est jugé trop difficile à fabriquer et réservé à une élite intellectuelle. Il faut attendre septembre 1979 pour que Tom Kremer réussisse à convaincre la société américaine Ideal Toys de produire le Rubik’s Cube à grande échelle. Plus d’un million de modèles sont commandés et exportés de Hongrie vers Londres, New York et Paris, à partir du mois de mai 1980.
Vidéo : le réalisateur Michel Gondry résout un Rubik’s Cube avec ses pieds
1980 : la Rubik’s Cube mania
A l’image de Pacman dans le domaine du jeu vidéo, Rubik’s Cube devient la star des casse-têtes dans les années 1980. Ce puzzle en 3D attire toute une génération, qui partage bientôt la même obsession : trouver la solution des 43 252 003 274 856 000 combinaisons possibles du cube. En raison d’une forte demande, les centres de production se multiplient, de Hong Kong à Taïwan en passant par le Brésil et le Costa Rica. Près de 300 millions de cubes sont vendus dans le monde entre 1979 et 1984, dont 100 millions sont des contrefaçons.
Après avoir remporté de nombreuses récompenses en Hongrie, le Rubik’s Cube et son inventeur gagnent tous les grands prix du jouet en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Le cube intègre l’exposition permanente du Musée d’art moderne de New York. L’année 1982 est celle de la consécration, puisque l’invention est mentionnée dans le célèbre Oxford English Dictionnary.
Le livre You Can Do The Cube, dans lequel une solution détaillée est publiée, se vend en 1981 à plus d’un million et demi d’exemplaires aux quatre coins de la planète. Le Rubik’s Cube classique (3x3x3) se décline en Pocket’s Cube (2x2x2) et en Professor’s Cube (5x5x5). Le Rubik’s Revenge est quant à lui constitué de 56 cubes au lieu de 26. Inventé par Péter Sebestény, il diffère de son aîné par son mécanisme interne.
Vidéo : l’acteur américain Jack Black résout 10 Rubik’s Cube avec deux mains en moins d’une minute
La seconde vie du cube
Le premier championnat du monde de Rubik’s Cube remonte au 5 juin 1982, à Budapest. Depuis, les passionnés, surnommés les «speedcubistes», se rassemblent, toujours plus nombreux, pour battre des records de rapidité. Résoudre le cube à une main, avec les pieds ou les yeux fermés n’effraie pas les compétiteurs.
«Ce qui me plaît dans le jeu, c’est le dépassement de soi. Il faut sans arrêt trouver des combinaisons différentes pour gagner quelques secondes. J’ai toujours aimé les challenges», explique Jean Pons, champion du monde de Rubik’s Cube en 2005 à Toronto, au Canada. Chacun adopte sa tactique. «La méthode utilisée par la majorité des joueurs est celle de Jessica Fridrich», ajoute le jeune vainqueur de 22 ans. Mais il existe également la méthode de Lars Petrus, et celle du débutant nommée «layer by layer» – «couche par couche».
Les plus courageux peuvent toujours chercher la solution au hasard, mais ils devront être patients. Sans méthode, il faut près de 1 200 ans pour résoudre l’équation !
Autre conseil : ne pas démonter le Rubik’s Cube. Si le jeu est remonté de façon aléatoire, il y a onze chances sur douze de ne jamais atteindre son objectif. Ceux qui souhaiteraient faire sensation auprès de leur entourage en évitant les entorses au poignet et les crises de nerfs peuvent toujours coller des gommettes de couleur sur chaque cube !
Le championnat de France de Rubik’s Cube à Paris