Des disques à la radio, des trains aux téléphones portables, des cartes de crédit à la compagnie aérienne, du cola aux voyages dans l’espace, Virgin est l’un des groupes britanniques les plus innovants dans le monde. A la tête de cet empire de plus de 200 entreprises, l’emblématique et charismatique Sir Richard Branson. Entrepreneur rêveur, il s’appuie sur cet empire pour financer ses aventures, en ballon ou dans l’espace.
(ARCHIVES DIRECT MATIN)
Celui qui avoue n’avoir besoin que d’un «petit-déjeuner, un déjeuner et un dîner» conduit ses affaires en homme libre. Car si le nom de Branson est associé à la marque Virgin, son visage est moins associé au costume trois-pièces qu’à la combinaison d’aventurier, en dirigeable à travers le monde ou préparant un vol spatial.
Élevé dans le défi
Le jeune Richard connaît une enfance heureuse dans une famille de la bourgeoisie anglaise. Heureuse, mais peu commune, compte tenu de la conception singulière que sa mère, Eve, a de la pédagogie. Son éducation est faite de défis constants.
Agé de 4 ans, il est contraint de rentrer seul à pied après une visite chez ses grands-parents. L’année suivante, sa tante fait le pari, pour 10 shillings, qu’il ne saura pas nager à l’issue des vacances. Pari qu’il gagne sur la route du retour, imposant à son père d’arrêter la voiture au bord d’une rivière. Plus tard, à 12 ans, sa mère le réveille en pleine nuit, lui tend un sac de provisions et l’invite à rejoindre à vélo la ville de Bournemouth, située à 80 kilomètres du domicile familial. Défi relevé, à peine récompensé par un regard satisfait de sa mère, pour qui surmonter les obstacles et refuser l’échec permet de forger la personnalité des enfants.
Car l’appétit du gain de Richard Branson s’est toujours accompagné d’un esprit joueur. Gagner de l’argent en s’amusant, cette philosophie ne le quittera jamais. A 12 ans, il monte sa première affaire, profitant des vacances pour planter des graines de sapin. Qu’il ne vendra pas à Noël, car les lapins ont eu raison de son ambition. Premier échec ? Une leçon, plutôt, pour ce mauvais élève, atteint d’une myopie qui accroît sa dyslexie.
Il aime peu les études et les délaisse à la fin du lycée pour se consacrer totalement au développement de Student, un magazine culturel étudiant qui devient rapidement le premier du pays et milite notamment contre la guerre au Vietnam. Grâce à la parution d’encarts publicitaires dans son journal, le jeune homme développe la vente de disques par correspondance à moitié prix, dès 1970. Une grève dans les services de la Poste britannique vient contrarier ses projets de développement.
Vidéo : Un jour dans la vie de Richard Branson
Richard Branson a l’idée de demander à un propriétaire de magasins de chaussures de lui louer ses locaux, afin de sédentariser son activité. A force de persévérance et de détermination, il réussit à ouvrir la première boutique Virgin à Londres sur la prestigieuse Oxford Street. «En très peu de temps, nous avons ouvert une boutique dans presque toutes les grandes villes d’Angleterre. Et je n’avais pas encore vingt ans», révèle-t-il dans son livre Ma petite philosophie connaît pas la crise : Les leçons de la vie (éd. Scali).
A la question : «Le nom “Virgin” est-il une référence aux îles Vierges ?», l’entrepreneur longtemps surnommé «le hippie des affaires» répond: «Non. J’ai choisi Virgin parce que nous étions vierges dans le monde des affaires».
Rassemblant ses économies et soutenu par sa mère, Richard Branson acquiert un manoir près d’Oxford, qu’il aménage avec son meilleur ami Nik Powell en studio d’enregistrement en 1972. L’année suivante, le label Virgin et la maison d’édition musicale pour le Royaume-Uni voient le jour. L’artiste Mike Oldfield signe Tubular Bells (1973) avec Virgin Records et assure la pérennité de l’entreprise. Choisi pour la bande originale du film L’exorciste, le titre cartonne. Plus de dix millions d’exemplaires s’écoulent en une décennie. Phil Collins, Culture Club, les Sex Pistols sont autant d’artistes phares des années 1980 à avoir également collaboré avec Virgin. Branson réalise un coup de maître qui assure une rente de situation au groupe Virgin.
Vidéo : Bande originale du film L’Exorciste
Dans les airs
Dès le début, Branson adopte une stratégie pragmatique: il fournit ou cautionne les idées, s’investit pleinement dans le projet, puis le confie à des collaborateurs, souvent amis, à qui il octroie une entière maîtrise de la stratégie et, pour mission principale, de maintenir l’affaire, implication motivée par une participation financière dans l’entreprise.
Le groupe Virgin est ainsi une nébuleuse de près de 400 entreprises, chacune lancée par Branson, qu’il gère ensuite via quelques coups de fil. A lui le plaisir de l’innovation, aux autres la corvée de la gestion.
Une stratégie que l’on comprend encore mieux dans les années 1980, quand il se lance dans l’aviation avec Virgin Atlantic. Jusque-là, Richard Branson s’est contenté des domaines de la musique et des communications. L’annulation d’un vol l’empêche de rentrer de vacances? Il loue un avion privé et propose aux voyageurs, bloqués comme lui à l’aéroport, de participer à prix coûtant au voyage. En 1984, il extrapole son idée avec Virgin Atlantic Airways dans laquelle il injecte 25 millions de livres sterling. Et s’envole à la conquête de l’intouchable British Airways.
L’apogée des Virgin Megastores
En 1986, Virgin est l’une des plus grandes sociétés de Grande-Bretagne et compte 4 000 employés. Le groupe composé des filiales Music, Retail, Property et Communications entre en Bourse en novembre de la même année. Encouragé par ses banquiers qui lui conseillent de céder les parts de sa société, Richard Branson vend des actions Virgin sur le marché boursier. Plus de 70 000 personnes les réservent, certaines auraient même préféré placer leurs économies chez Virgin plutôt que de partir en vacances.
Mais cette expérience se révèle être un échec. Le dirigeant supporte peu les contraintes imposées par le conseil d’administration. «La plupart d’entre eux ne connaissaient rien à la musique. Ils ne voyaient pas comment un tube pouvait rapporter des millions du jour au lendemain», écrit Richard Branson. Lui qui préfère débattre de ses choix artistiques directement avec ses partenaires a le sentiment de ne pas être à sa place. Le cours des actions s’effondre en 1987 à la suite d’un krach boursier. Richard Branson rachète toutes les actions au prix initial, soit plus de 182 millions de livres sterling.
L’homme redevient ainsi «maître de [sa] destinée ». En 1988, Virgin revend ses magasins de disques situés au Royaume-Uni. Au mois de juin, il cède 67 des 102 magasins au groupe WH Smith, pour la somme de 23 millions de livres sterling. Le groupe recentre ses activités de distribution sur les Virgin Megastores, magasins proposant un large choix d’articles. Il se tourne vers l’Europe, avec l’ouverture du premier Megastore sur l’avenue des Champs-Elysées à Paris. Quatre ans plus tard, Virgin Music Group est cédé pour un milliard de dollars à Thorn EMI.
Vidéo : Ouverture du premier magasin Virgin Mégastore à Paris
Le hippie des affaires
En 1994, Virgin veut concurrencer le géant Coca-Cola. S’inspirant des formes généreuses de l’actrice américaine Pamela Anderson, le groupe commercialise la première bouteille de Virgin Cola. Les ventes atteignent rapidement 50 millions de livres sterling en Grande-Bretagne. Le produit est ensuite distribué en France, en Belgique et en Afrique du Sud. Richard Branson va jusqu’à vendre le Virgin Cola sur Times Square, à l’endroit même où trône l’enseigne Coca-Cola.
En 1999, il se consacre à la téléphonie portable avec Virgin Mobile. Seul bémol : le rachat d’une partie de l’exploitation ferroviaire anglaise à la British Rail en 1997 est un échec.
Branson fait fi des experts économiques qui annoncent les pires prévisions pour chacune de ses nouvelles idées. Car personne ne le prend au sérieux. Mais Branson n’est pas qu’un trublion qui apparaît déguisé en Jamaïquain lorsqu’il baptise une ligne de transport, ou en robe de mariée lorsqu’il inaugure son magasin de vêtements pour mariages à Londres.
Vidéo : Richard Branson se déguise en hôtesse de l’air
Depuis sa rencontre avec Al Gore, ancien vice-président de Bill Clinton, Branson s’est engagé dans la promotion des énergies vertes. Il a promis de consacrer 2,3milliards d’euros dans la lutte contre le réchauffement climatique.
L’aventure, toujours l’aventure
L’histoire du groupe Virgin est loin d’être terminée et, déjà, elle ne suffit pas à comprendre le personnage qu’est Richard Branson. Sa culture du défi n’est pas seulement économique, elle est aussi sportive et scientifique. Avec lui, l’équation «peut-on être un économiste pragmatique et pourtant ne pas savoir garder les pieds sur terre ?» se résout.
Richard Branson est un aventurier dont le goût pour le grand large était déjà présent dans la famille, puisque le cousin de son grand-père, Robert Scott, deuxième homme à avoir atteint le pôle Sud, est décédé sur le chemin du retour.
En 1985, lorsqu’on propose à Branson de sponsoriser une équipe pour la course du Ruban bleu, une traversée de l’Atlantique, il accepte. A une condition : être membre lui-même de l’équipage. Le Virgin Atlantic Challenger prend l’eau, et le sauvetage de Branson fait grand bruit. Depuis, le créateur de Virgin s’arrange toujours pour associer à ses exploits l’image de son entreprise. Le Virgin Atlantic Challenger II pulvérise le record de la traversée en 1986.
Richard Branson est un aventurier dont le goût pour le grand large était déjà présent dans la famille [CC/D@LY3D]
Il récidive, dans les airs cette fois, avec le Virgin Atlantic Flyer, le plus grand dirigeable jamais construit, qu’il pousse jusqu’à la vitesse record de 209 km/h. Il y prend goût et survole, en 1991, l’océan Pacifique, atteignant la vitesse de 390 km/h.
Depuis toujours, il rêve de faire le tour du monde en ballon, tel que l’a rêvé Jules Verne. Défi qu’il ne parvient pas à relever, puisqu’il s’écrase dans le désert d’Algérie en 1997. A chaque fois qu’il frôle la mort, Branson se jure de ne jamais recommencer.
Il sera pourtant le premier client de Virgin Galactic, qui ambitionne d’envoyer des touristes dans l’espace. En effet, depuis 2004, sa compagnie de tourisme spatial prépare le premier vol de SpaceShipOne.
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