Francis Cabrel livre une interprétation toute personnelle de la musique de Bob Dylan, influence majeure de sa vie d'artiste, dans "Vise le ciel", un recueil d'adaptation en français de chansons du troubadour américain publié lundi.
En 1965, Francis Cabrel entend pour la première fois "Like a Rolling Stone" et sa vie bascule.
"Je répétais avec un petit groupe dans un garage près d'Agen quand un mec a amené le 45 tours qui arrivait d'Angleterre direct. Et ce fut la révélation, le coup de tonnerre, la lumière", raconte le musicien dans le dossier de presse de l'album publié chez Columbia/Sony, également le label de Dylan.
"J'avais 16 ans et j'ai su que ma musique prendrait cette direction-là. Peu de temps après, j'ai entendu le premier album de Leonard Cohen et tout cela s'est mélangé, mais dans l'attitude, la posture, la démarche, Dylan a toujours été le modèle", dit-il.
Si l'idée d'un album de reprises était dans l'air depuis une quinzaine d'années, "Vise le ciel" est né d'une panne d'inspiration.
"Quand j'ai regardé en janvier l'état d'avancée de mon album de chansons personnelles, j'ai compris que mon inspiration était dans un creux, je faisais du surplace. J'ai donc sorti un grand livre de chansons de Dylan et j'ai pioché dedans", explique Francis Cabrel.
En France, l'ombre d'Hugues Aufray plane sur l'oeuvre de Dylan. Ami et grand admirateur du musicien américain, il a consacré une partie de sa carrière à adapter ses chansons.
Francis Cabrel est volontairement resté à l'écart de la plupart des grands succès de Dylan popularisés en France par l'auteur de "Santiano".
Car le chanteur d'Astaffort, qui a appris l'anglais en écoutant Dylan, a décidé de s'attaquer à son tour à la rude tâche de traduire en français les textes du mythique "songwriter".
Fluidité
Les puristes s'amuseront à relever les nuances dans les deux seules chansons de "Vise le ciel" également traduites par Aufray. Comme "Just like a woman, "Tout comme une vraie femme" dans la version Aufray, "Comme une femme" dans la version Cabrel.
Pour son album, Cabrel a déniché des chansons sur des enregistrements pirates comme "Mighty Quinn", "You ain't going nowhere" ou "Blind Willie McTell", mais aussi choisi des classiques comme "It's all over now, Baby Blue" ou "I want you".
"Dylan surcharge d'images, il condense un maximum. Dans une même phrase, il peut y avoir cinq ou six images fortes et le français ne permet pas la même compression que l'anglais. La leçon que donne Dylan dans son écriture est celle de la fluidité et de la rime intelligente perpétuellement rebondissante. J'ai privilégié cette fluidité à la traduction ultra précise", explique-t-il.
Si elles n'ont rien de révolutionnaire, ces nouvelles versions font la synthèse entre la personnalité de Dylan et celle de Cabrel, entre le folk et la chanson française.
Avec sa voix chantante et ses arrangements feutrés, Cabrel emmène de la douceur et du rythme là où Dylan est plus grinçant, mais aussi plus percutant.
"Vise le ciel" a en tout cas permis à Cabrel de retrouver l'inspiration.
"Pendant quatre ou cinq mois, je me suis changé les idées en me plongeant avec un microscope dans l'écriture de quelqu'un d'autre. Quand je suis sorti de là, j'ai recommencé à écrire, comme si une vanne s'était ouverte", confie-t-il.