Avec la série "Les Revenants", diffusée à partir de novembre, Canal+, qui a déjà exploré les films contemporains ou en costumes, fait son entrée dans le genre fantastique, à travers l'histoire au climat envoûtant de quelques défunts qui retournent auprès de leurs proches.
Il a fallu cinq ans et un budget de 11 millions d'euros pour développer cette série en huit épisodes, réalisée par Fabrice Gobert, auteur du film "Simon Werner a disparu...", et Frédéric Mermoud. Elle réunit notamment Anne Consigny et Clotilde Hesme, d'après le film éponyme de Robin Campillo sorti en 2004.
Dans une petite ville entourée de montagnes, dominée par un barrage, des morts regagnent leur maison, des années après leur décès: une adolescente de quinze ans, un petit garçon mutique, un jeune fiancé mort le jour de son mariage, un frère violent... Ils ne savent pas qu'ils sont morts, et vont le découvrir, se retrouvant confrontés à ceux qu'ils ont aimés et à un monde qui a changé.
Pas de scènes apocalyptiques avec des morts-vivants sortant de leurs tombes ou pourchassés par l'armée: la série, qui se construit autour de portraits des défunts avant de développer parallèlement l'intrigue, se veut tout d'abord intimiste. Le fantastique naît d'un décalage avec la réalité, qui va peu à peu s'accentuer.
"On ne voulait pas faire +The Walking Dead+ (série dans laquelle le monde est peuplé de zombies, ndlr), parce que c'est très américain, ça n'aurait pas eu de sens. On a essayé de faire quelque chose de très français, de beaucoup plus intimiste", explique Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction française de Canal+.
Soap fantastique
"Ce qu'on voulait, c'était un soap fantastique. Peu à peu, à mesure qu'on avance dans la série, il y a un jeu avec le genre. Mais ce qui nous intéressait, c'est d'être dans la psychologie", poursuit Fabrice de la Patellière, pour qui "il s'agissait vraiment d'essayer de la manière la plus réaliste possible de mettre en scène cette expérience inouïe d'une confrontation avec quelqu'un que l'on a connu, aimé et perdu".
Dans ce décor de ville isolée, presque déserte et à l'architecture moderne, la série, tournée dans la région d'Annecy, met en place une atmosphère d'étrangeté, portée par la musique du groupe écossais Mogwai.
L'univers visuel est notamment inspiré du photographe américain Gregory Crewdson, qui réalise des images "d'endroits très ordinaires et les rend très extraordinaires", indique Fabrice Gobert.
Parmi les autres références revendiquées, le film suédois de vampires réaliste "Morse" de Thomas Alfredson, la série "Twin Peaks" de David Lynch et Mark Frost, qui décrivait aussi une petite ville plongée dans l'étrange, ou encore "Shining" de Stanley Kubrick.
"Il y avait l'idée de multiplier les références pour créer un genre qui soit un peu hybride, qui soit fantastique et réaliste", souligne le réalisateur.
Coscénariste de la série, l'écrivain Emmanuel Carrère, auteur notamment du film "La Moustache" qui flirtait avec le fantastique, a "joué un rôle décisif", souligne le réalisateur.
"Les Revenants", dont une saison 2 est à l'étude, se distingue aussi par une grande attention portée aux personnages: les défunts, mais aussi des parents déboussolés par le retour de leur fille (Anne Consigny et Frédéric Pierrot), une soeur aux réactions vives (Jenna Thiam), une femme qui a refait sa vie (Clotilde Hesme), une infirmière traumatisée (Céline Sallette)...
"Le point de départ est très fort, mais après ce qui est très fort, c'est la façon dont les personnages vivent ces bouleversements", assure Fabrice Gobert.