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Le tonneau en chêne, élément indispensable d'un grand bordeaux

Le producteur de vin Philippe Pontie extrait du raisin pressé d'un tonneau, à Prayssac, dans la région de Cahors, le 10 octobre 2012 [Remy Gabalda / AFP] Le producteur de vin Philippe Pontie extrait du raisin pressé d'un tonneau, à Prayssac, dans la région de Cahors, le 10 octobre 2012 [Remy Gabalda / AFP]

Les propriétés situées sur les terroirs d'exception du Bordelais étudient savamment l'origine des barriques en bois dans lesquelles leur vin sera élevé, choix délicat car l'interaction entre le chêne et le raisin fermenté est décisive dans l'élaboration d'un grand vin.

Si la France est leader mondial en tonnellerie, avec une production de 500.000 fûts en 2011 pour un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros, elle ne le doit pas seulement aux grands terroirs d'où, comme le vin, sont issus ces chênes, mais surtout à l'organisation de ses forêts.

Grâce à Jean-Baptiste Colbert, principal ministre de Louis XIV qui a développé les forêts de grands chênes pour l'industrie maritime, la France exporte aujourd'hui 64,5% de sa production, principalement vers les Etats-Unis (37%), l'Italie, l'Australie et l'Espagne (11% chacune), même si seulement 2% des vins du monde sont élevés en fûts de chêne.

L'Office national des forêts (ONF) gère ainsi dans les forêts domaniales françaises la culture sélective de ces chênes, hissant haut leurs troncs rectilignes pour fabriquer les douelles des barriques.

Mais, ironie de l'histoire, "ce n'est qu'à partir des années 1980 que l'on a réalisé que la barrique faisait évoluer différemment le vin", indique Jean-Luc Sylvain, président de la fédération française de la tonnellerie. Pendant plusieurs siècles "le tonneau n'était qu'un contenant servant au stockage et au transport du vin".

Voici 30 ans, les oenologues se sont interrogés en observant que des propriétaires dits +modernes+, ayant abandonné pour raisons sanitaires le vieillissement en barrique au profit des cuves en inox, "avaient des vins différents", explique M. Sylvain.

Dès lors, "la barrique a été utilisée comme moyen oenologique" même si aujourd'hui encore "l'alchimie entre le tanin du vin et celui du chêne est encore mal connue", souligne-t-il.

Désormais, les grandes marques de vin rivalisent pour utiliser les plus beaux chênes d'élevage, riches en arôme et pauvres en tanin au contraire des chênes sauvages.

"En fonction du style de vin que le viticulteur veut faire évoluer, le tonnelier choisit avec lui le type de barrique", explique M. Sylvain, également président des tonnelleries Sylvain à Libourne (Gironde).

S'il explique que "de 1980 à 2000 il y a eu une importante présence du goût de bois dans le vin", correspondant à une demande du marché américain alors principal importateur des grands crus de bordeaux, "aujourd'hui le consommateur et le vinificateur recherchent le fruit et l'équilibre".

"De fait, la bonne barrique est celle qui se fait oublier, on sent le bois, on le devine, mais ce n'est pas lui qui domine", dit-il.

Outre l'origine des chênes, le séchage du bois et la durée de chauffe, avec un brasero à 200 degrés à l'intérieur de la barrique, permettent d'obtenir "toute une palette aromatique allant du bois frais du type vanille ou lait de coco, puis graduellement au pain grillé, au moka, au chocolat, au chocolat noir, au café, au café grillé et jusqu'au fumé", indique M. Sylvain.

Mais tout n'est pas si simple. "Avec la même barrique et différents vins on n'aura pas les mêmes résultats. Il faut bien connaître son vin pour apporter la bonne barrique", précise-t-il.

De plus, les viticulteurs s'approvisionnent auprès de différents fournisseurs pour "avoir une palette aromatique plus large" et lors des mélanges finaux avant la mise en bouteilles "apporter encore plus de richesse et de complexité. C'est très compliqué", souffle-t-il.

Exemple quasi-unique en France, les domaines Baron de Rothschild possèdent leur propre tonnellerie, et se fournissent auprès de "différents mérandiers qui prélèvent des arbres de plusieurs régions de France, car le bois n'aura pas les mêmes expressions selon son terroir", indique leur directeur Charles Chevallier.

"Cela nous permet de faire des expérimentations", dit-il, car "on s'est aperçu que les Lafite ont besoin d'une chauffe extrêmement légère, différente de celle pour nos autres vins, l'Evangile à Pomerol ou le château Rieussec en Sauternes".

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