L'artiste américain Jeff Koons, pape du "néo-pop", inaugure ce mercredi dans deux musées de Francfort la plus vaste exposition qui lui ait jamais été consacrée, comportant notamment cinq oeuvres de sa nouvelle série "Antiquity" en première mondiale.
Jusqu'au 23 septembre, 89 peintures et sculptures sont proposées aux visiteurs de la villa Liebieghaus et du Schirn Kunsthalle, dans la capitale allemande de la finance, un monde qui l'apprécie particulièrement.
Quatre ans après son exposition au château de Versailles, qui avait provoqué un intérêt massif et, ou à cause de, la controverse, l'artiste s'amuse de nouveau à jouer le contraste et se replonge avec délice dans l'histoire de l'art.
Pour cela il a trouvé un lieu idéal: la villa-musée Liebieghaus et sa collection permanente de sculptures parcourant 5.000 ans d'histoire, de l'Antiquité au néoclassicisme en passant par l'art médiéval chrétien, la Renaissance, le baroque ou le rococo.
Trônant au milieu de sculptures de la Rome antique, "Balloon Venus (Magenta)", sculpture monumentale en acier chromé en forme de ballon de baudruche, est l'une des pièces maîtresses de l'exposition.
Cependant ses courbes plantureuses évoquent davantage la Vénus de Willendorf, une statuette vieille de 25.000 ans découverte en Autriche il y a plus d'un siècle, que les graciles silhouettes des statues romaines.
"C'est un symbole de la fécondité, elle a des formes féminines mais aussi masculines, donc elle peut procréer par elle-même", expliquait Jeff Koons lors de la présentation à la presse.
Chantre de l'amour et de l'exubérance, Jeff Koons, 57 ans et l'allure toujours juvénile, ne pouvait rester indifférent à Eros, dieu grec de l'amour et de la puissance créatrice qui forme le fil d'Ariane de sa nouvelle série.
"D'une certaine façon Jeff Koons est le dernier artiste de l'Antiquité" affirme Vinzenz Brinkmann, le commissaire de l'exposition du Liebieghaus. Car il partage avec les Anciens la recherche de la perfection, le goût pour l'artisanat et l'amour des couleurs flamboyantes qui paraient jadis les statues antiques.
Comme les Anciens également, il réunit le divin avec la sexualité, à contre-pied de la pensée chrétienne, ajoute M. Brinkmann.
Ainsi sa Vénus est-elle flanquée du tableau "Antiquity 2 (Dots)" qui met en scène une pin-up chevauchant un dauphin, animal enclin à l'amour et passeur entre les mondes selon la mythologie grecque, avec des statues antiques et un satyre en érection peints à l'arrière-plan.
Pour s'inviter dans chacune des salles de la villa, Jeff Koons a aussi fait appel à d'autres oeuvres plus anciennes, comme un exemplaire de sa célèbre statue en porcelaine de Michael Jackson et de son singe Bubbles (de la série "Banality", 1988), dont le caractère aujourd'hui mortuaire est encore renforcé par le voisinage des sarcophages et autres bas-reliefs funéraires égyptiens.
Refusant l'appellation de "kitsch" qu'une partie de la critique lui confère, Jeff Koons explique vouloir "montrer ce que cela signifie d'être humain" et déclare "ne pas croire aux préjugés". Mêlant culture populaire et élitiste à l'instar de Marcel Duchamp ou Andy Warhol, ses oeuvres s'arrachent à prix d'or aux enchères.
Une quarantaine de peintures d'autres séries des années 1980 à 2000 "Luxury and Degradation", "Made in Heaven", "Celebration", "Easyfun", "Easyfun Etheral", "Popeye" et "Hulk Elvis", ainsi que deux autres nouvelles peintures "Antiquity" sont exposées au Schirn Kunsthalle.
La fondation Beyeler de Bâle (Suisse) lui dédie également une rétrospective depuis le 13 mai, qui dure jusqu'au 2 septembre.
"Jeff Koons, le peintre et le sculpteur", au Schirn Kunsthalle et au Liebieghaus de Francfort jusqu'au 23 septembre, entrée combinée 14 euros (http://koons-in-frankfurt.de/)