Un manuscrit rare de Jean Jaurès, grande figure socialiste et pacifiste, vient d'être préempté par l'Etat au bénéfice des archives départementales du Tarn et va donc échapper à l'appétit du privé pour les documents anciens, ont indiqué les parties prenantes à l'opération.
Il en coûtera 178.000 euros au conseil général, subventionnés à 50% par le ministère de la Culture.
Ces 121 pages de la main de Jaurès, considérées comme un texte fondateur pour le Parti socialiste, avaient été vendues à ce prix récemment à un particulier français par un commissaire-priseur des environs de Toulouse agissant pour le compte de la famille d'Albi qui en était propriétaire.
Compte tenu de l'intérêt du document, les Archives de France viennent de faire valoir leur droit en se substituant au dernier acquéreur.
Le manuscrit a servi de base au discours prononcé par Jaurès en 1908 à Toulouse au congrès de la SFIO (Section française de l'internationale ouvrière).
Le texte offrait une synthèse fédératrice au parti qui fut l'ancêtre du PS et dont l'unité restait fragile trois ans après sa création. Il permit à Jaurès de rallier le congrès et d'affirmer sa prééminence chez les socialistes.
Jean Jaurès (1859-1914), originaire du Tarn dont il fut le député, le donna à une famille d'Albi qui le conserva religieusement pendant des décennies avant de se laisser convaincre de le vendre.
Le manuscrit avait été mis aux enchères le 25 mars, avec le bon à tirer et le journal Le Cri des travailleurs pour lequel Jaurès avait fait un article de son discours. Mais le lot, estimé entre 150 et 200.000 euros par le commissaire-priseur, avait été "ravalé" (retiré de la vente) parce qu'il n'avait pas atteint le minimum escompté par le propriétaire.
Le commissaire-priseur avait alors trouvé un acquéreur de gré à gré pour 178.000 euros, TVA et honoraires compris. L'identité de l'amateur n'a pas été dévoilée. Il s'agissait, selon le commissaire-priseur, d'un collectionneur français, décideur de niveau international.
L'Etat a alors pu intervenir, ce qu'il était pressé de toutes parts de faire pour que le manuscrit entre dans les collections publiques et ne devienne pas "objet de spéculation", selon les mots de L'Humanité, le journal fondé par Jaurès.