Le fringant chef vénézuélien Gustavo Dudamel, directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Los Angeles (LA Phil), a entamé en mai avec "Don Giovanni" un cycle de trois ans consacré à Mozart, dont la musique oblige les musiciens à "approcher la perfection".
Après une intégrale des symphonies de Mahler en début d'année, le prodige de 31 ans, formé au sein d'El Sistema, un programme d'éducation musicale créé en 1975 au Venezuela pour les classes défavorisées, s'attaque avec son orchestre à un nouvel Himalaya de la musique occidentale : la trilogie lyrique Mozart-Da Ponte -"Don Giovanni", "Les Noces de Figaro" et "Cosi fan tutte".
"Je pense que c'est très important pour un orchestre symphonique de jouer de l'opéra. Et les opéras de Mozart sont parfaits, du point de vue du texte et de la musique", affirme le chef d'orchestre dans un entretien avec l'AFP.
Le "projet Mozart" de Dudamel et du LA Phil est innovant à plus d'un titre. Non seulement il fait entrer l'opéra dans le temple symphonique du Walt Disney Concert Hall, mais les décors des oeuvres ont été confiés à des architectes de renom et les costumes à des créateurs de mode.
Ainsi, le Canadien Frank Gehry, architecte du splendide Walt Disney Concert Hall, a signé les décors de "Don Giovanni", tandis que le Français Jean Nouvel s'attaquera l'an prochain à ceux des "Noces de Figaro". L'équipe créative de "Cosi fan tutte" en 2014 n'a pas encore été dévoilée.
D'un point de vue musical, Gustavo Dudamel ressent déjà les bénéfices pour l'orchestre de la série de représentations de "Don Giovanni", qui s'achèvent samedi. "Quand on joue de la musique symphonique, de Mozart par exemple, l'orchestre sonne de manière différente", dit-il.
"Tu vois apparaître (dans la partition) une tonalité mineure, qui nous emporte vers +Don Giovanni+ et ça sonne plus tragique, beaucoup plus angoissé. Tu vois alors comment l'opéra crée cette flexibilité créative chez le musicien symphonique", ajoute le chef d'orchestre.
"Beau et dangereux"
La musique de Mozart -"l'une des premières partitions que j'ai reçues, c'était (les symphonies) 40 et 41, une petite partition verte, j'avais neuf ans"- oblige selon lui à "s'approcher de la perfection, parce qu'elle est nue".
"Tout se voit. N'importe quelle erreur, aussi petite soit-elle, s'entend immédiatement. C'est à la fois beau et dangereux, car c'est une musique à laquelle tu peux donner un phrasé très personnel, mais il y a toujours le risque d'en faire trop", observe-t-il.
"Il faut faire très attention, c'est comme tailler un diamant. Il faut vraiment être sûr de soi pour réussir à le tailler sans l'abîmer", dit-il.
Le chef, dont la gestuelle et l'expressivité au pupitre sont déjà légendaires, assure que sa "façon de penser et d'interpréter Mozart n'a pas changé" depuis ses premiers essais adolescents. "En revanche, ma façon d'y arriver a évolué. Quand on est jeune, la question c'est +comment+ obtenir quelque chose. Avec la maturité, la question devient +pourquoi+", déclare-t-il.
S'il assure "être extrêmement auto-critique, jusqu'à être parfois très dur" avec lui-même, Gustavo Dudamel reconnaît cependant que sa relation avec le LA Phil, dont il est directeur musical depuis 2009 -son contrat court jusqu'en 2019- est exceptionnelle.
"Petit à petit, nous créons une personnalité" à cet orchestre, dit-il. "Nous avons trouvé un équilibre entre le son, l'engagement, notre responsabilité envers la musique, le rejet complet de la routine, se donner à 100% et la recherche de la perfection", affirme-t-il.
"Etre à la tête de tout cela, pour moi, c'est un honneur. Car pouvoir compter sur un groupe de musiciens d'un niveau si élevé pour t'accompagner dans tes folies, il n'y a rien de plus beau. Que pourrais-je demander de plus ?".