Dix-huit ans après, c’est toujours le plus important scandale de l’histoire des Jeux Olympiques. En 1988, à Séoul, après qu’il a remporté la finale du 100 mètres, le sprinteur canadien Ben Johnson est déchu et doit rendre ses médailles en raison d’un contrôle anti-dopage positif.
Carl Lewis contre Ben Johnson. Rarement un duel entre deux sprinteurs n’aura autant polarisé une discipline comme l'athlétisme. Pourtant, en cette année 1988, le monde n’a que ces deux noms à la bouche. Le premier sort d’une année 1987 compliquée pendant laquelle il a perdu son père, mais aussi son titre de champion du monde au profit du second, qui battait par la même occasion le record du monde en franchissant la ligne en 9,83.
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Une course à sens unique
Cette finale du 100 mètre des Jeux Olympiques de Séoul est l’événement le plus attendu, et sa légende s’articule autour de cette volonté de revanche de Carl Lewis, poussée à son paroxysme par les provocations répétées de son rival canadien Ben Johnson. Samedi 24 septembre, l’heure est enfin arrivée, et la course peut rendre son verdict. Lewis est au couloir 3, Johnson au 6. Les deux favoris prennent un départ quasi similaire, et la course part sur des bases très élevées. Pourtant, dès les 50 mètres, l’écart est déjà visible à l’œil nu : Ben Johnson est nettement plus rapide. Plusieurs fois pendant la course, Lewis tourne la tête vers son rival, et la détresse exprimée dans son regard est sans équivoque.
Au moment de franchir la ligne d’arrivée, l’écart est tel que le sprinteur canadien semble avoir relâché son effort dans les derniers centimètres. Il n’a même pas «cassé» sur la ligne d’arrivée. Jamais Carl Lewis n’avait été à ce point dominé, et quand le temps de Ben Johnson s’affiche, on comprend mieux pourquoi. 9,79, «Big Ben» est sous les 9 minutes et 80 secondes, il est le premier sprinteur de l’histoire à atteindre cette barre, et le seul de cette finale à être sous les 9.90 (Lewis est en 9,92). Son rival est le premier à venir le féliciter, mortifié. Le vainqueur le regarde à peine. En conférence de presse, il en rajoute même une couche : «je vous avais bien dit que Lewis serait toujours derrière moi».
Pris par la patrouille
Pourtant la fanfaronnade sera de courte durée. Dès le lundi suivant, le 26 septembre, une rumeur parcourt Séoul et fait frissonner les organisateurs, les fans et les athlètes : un athlète de premier plan aurait été contrôlé positif. Les rumeurs se multiplient, et dans les laboratoires du CIO (Comité International Olympique), le docteur Park-Jon-Sung identifie un stéroïde anabolisant, le stanozolol, dans les échantillons sanguins d’un athlète. Il ignore bien entendu de qui il s’agit puisque les échantillons ne sont pas nominatifs, mais identifiés par un numéro. Seul le patron de la commission médicale du CIO est en mesure d’identifier le tricheur. Réveillé en pleine nuit, il consulte son listing et mesure alors l’ampleur du tremblement de terre à venir, il s’agit de Ben Johnson.
Une machine infernale se met alors en marche. Le responsable de la délégation canadienne est prévenu dans la nuit, c’est lui qui est chargé, au petit matin, d’informer le sprinteur. Ce dernier reste cloîtré dans sa chambre toute la journée. La nouvelle n’est pas encore publiquement dévoilée, le CIO attend l’analyse de l’échantillon B. Une analyse dont le résultat est sans surprise et confirme le premier verdict, Ben Johnson est condamné. A 20h, le sprinteur est convoqué par le CIO, et doit rendre sa médaille. Entre temps, les bruits ont circulé et les journalistes traquent l’icône déchue. Une traque qui prendra fin à l’aéroport de Kimpo, le lendemain matin. Ben Johnson, tout de noir vêtu, entouré par des policiers et des vigiles qui tentent de lui masquer le visage face à l’assaut des journalistes et photographes, fend la foule en direction de l’avion qui le ramène au Canada. Son visage n’exprime rien.
Un athlète incorrigible
De retour chez lui, Ben Johnson clame son innocence dans un premier temps avant d’avouer son geste, confessant que la peur d’échouer à Séoul était trop forte. Son entraineur, Charlie Francis, expliquera pour sa part dans un livre que son athlète se dopait depuis 1981.
Deux ans plus tard, Ben Johnson tentera un retour, soldé par un nouveau contrôle positif en 1993. La récidive d’un homme qui ne pouvait s’empêcher de trouver des moyens, légaux ou non, de vaincre ses rivaux. Interrogé sur le dopage, Ben Johnson déclarera d’ailleurs : «Les gens qui viennent au stade se foutent de savoir si nous sommes dopés ou pas. Ce qu'ils veulent, c'est que nous allions le plus vite possible. Ceux qui prétendent le contraire sont des hypocrites». Le CIO n’était visiblement pas de cet avis.