Adapter sur grand écran une vie étincelante ou dramatique? Certainement pas une garantie de succès, avertissent des professionnels du cinéma, alors que le festival de Cannes s'ouvre mercredi sur un biopic de Grace Kelly, star d'Hollywood devenue princesse.
"Gandhi", "Bird", "Camille Claudel"... Le cinéma foisonne d'exemples de films biographiques réussis. D'autres, comme Alexandre le Grand ou Diana, pourtant prometteurs, ont en revanche fait un flop au box-office.
Le film d'ouverture du 67e festival de Cannes, "Grace de Monaco", avec Nicole Kidman, suscite déjà la controverse avant même sa projection. Boudé par la principauté du Rocher, il s'est également attiré les foudres de son distributeur américain, Harvey Weinstein, mécontent du montage.
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Le film connaîtra-t-il pour autant la disgrâce qui a frappé le récent biopic de Diana, autre figure sacrée du Gotha incarnée par Naomi Watts?
Comme Grace, Lady Di fit un mariage royal digne d'un conte de fée, puis devint la "princesse du peuple", mal-aimée de son époux Charles mais chérie dans le monde entier, avant de mourir prématurément dans un violent accident de voiture à Paris.
Un destin d'exception émaillé de drames qui n'a pas suffi à remplir les salles à la sortie du film d'Oliver Hirschbiegel, en 2013.
La critique londonienne lui a réservé un accueil glacial: "atroce et intrusif" pour certains, "dégoulinant de bonnes intentions, obséquieux et sentimental" pour d'autres.
Réalisatrice américaine de documentaires primés, Sheila Bernard Curran met en garde contre un des dangers du biopic: le manque de liberté du cinéaste par rapport à son sujet, qui donne naissance à des films révérencieux, sans relief. Mieux vaut se garder de vouloir plaire à tout le monde, prévient-elle.
- "Trop respectueux" -
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"Obtenir l'autorisation de la famille, c'est courir le risque de se montrer trop respectueux", assure-t-elle à l'AFP, "et au final, d'aboutir à un film qui satisfait tout le monde mais que personne ne veut voir".
Un autre biopic programmé cette année à Cannes s'attaque à la vie d'un géant français de la mode: "Saint Laurent", de Bertrand Bonello, figure parmi les 18 films en compétition officielle pour la Palme d'or.
Un biopic "officiel" du couturier, signé Jalil Lespert, est déjà sorti en début d'année, avec la bénédiction du collaborateur et partenaire du défunt YSL, Pierre Bergé.
Une version des faits jugée "un peu trop lisse" par l'ex-muse et amie du styliste mort en 2008, Catherine Deneuve. Ce qui n'a pas empêché l'oeuvre de dépasser les 1,6 million de spectateurs.
"Ce n'est pas un film qui dérange. Je n'ai pas retrouvé l'atmosphère que j'ai connue, cette tension, cette nervosité, ces rapports amoureux", déclarait récemment l'actrice dans le journal Le Monde. "Bonello, lui, va sûrement traiter la part la plus sombre, la plus mélancolique, les problèmes de santé, l'alcool, la drogue...."
Autre écueil dont souffre parfois ce type de film, selon le réalisateur Lionel Delplanque: l'absence d'un angle d'attaque pour aborder la vie d'une personnalité, qui conduit à une narration linéaire sans saveur.
"Le point de vue est fondamental", explique à l'AFP le réalisateur de "Président", un film sur les coulisses du pouvoir sorti en salles en 2006. Et de citer en exemple la réussite d'"Amadeus", de Milos Forman, où la vie de Mozart est abordée du point de vue de son rival jaloux, le compositeur Antonio Salieri.
Le biopic du musicien de génie fut couronné de huit Oscars en 1985, dont celui du meilleur film.
Amadeus "exagère clairement le véritable rôle de Salieri, mais il ne prétend pas être un documentaire, et l'effet dramatique fonctionne", tranche Sheila Bernard Curran, pour laquelle un cinéaste gagne souvent, dans le cas d'un biopic, à prendre quelques libertés par rapport à l'Histoire.