Après avoir réalisé notamment deux mangas hilarants «A Nous Deux Paris» et «Paris, le retour !», J.P. Nishi était au salon Livre Paris pour présenter son nouvel ouvrage «A nos amours», aux éditions Kana. Un événement qui nous a permis de le rencontrer et de mieux comprendre le travail de ce japonais francophile.
Dans sa nouvelle BD, Taku Nishimura, alias Jean-Paul Nishi, nous entraîne dans son quotidien de jeune père de famille. Marié avec la journaliste française, Karyn Nishimura-Poupée, il croque, avec son trait naïf, tous les aspects du quotidien d'un couple franco-japonais uni au pays du soleil-levant. Au-delà de son humour évident, l'homme souligne avec malice nos différences pour en extraire une petite étude sociétale, à l'attention de ses compatriotes et des Français.
La France fait-elle trop rêver les Japonais ?
Evidemment ! Et en très grande majorité ce sont les Japonaises qui rêvent de la France, surtout de Paris et ses Parisiennes, ainsi que toute l’image qui les entoure, la mode et la gastronomie. A l’inverse, les garçons japonais s’y intéressent moins. Pour ma part, lorsque je suis venu vivre à Paris, je n’avais pas d’a priori. Ainsi, dans mes mangas, je n’ai fait que montrer ce que je voyais et mon ressenti sur nos différences culturelles. Mais en soulignant les travers des Français, mon travail a fait l’effet d’un «choc» pour mes compatriotes qui en découvraient une autre image. Toutefois, je considérais comme important de partager mon expérience.
Comment travaillez-vous ?
D’abord, je prends des notes en vracs et de petits croquis de ce que j’observe au quotidien. Ensuite, sur une autre feuille, j’essaie d’établir des rapports entre diverses situations, ce qui peut faire des thèmes pour mon manga. Puis, je tisse des liens qui vont permettre de créer une histoire pour présenter une première ébauche de mes planches. Toute la trame est ici présente et je n’ai plus qu’à finaliser. C’est une façon classique de travailler. Mais je me sers aussi beaucoup de Twitter. C'est un véritable mémo pour mes idées. Lorsque je tweete, même si je partage mon travail, en réalité c’est aussi pour nourrir mon travail. Mon vrai souhait serait d’ailleurs de ne poster que des dessins sur cette plate-forme.
「モンプチ 嫁はフランス人」連載中のフィールヤング3月号発売中。https://t.co/m0PRVOTi2B pic.twitter.com/9f9WXsAaIl
— じゃんぽ〜る西 (@JP_NISHI) 22 février 2017
Qu’est-ce qui fondamentalement différencie les Japonais des Français ?
De mon point de vue, pas grand-chose. Toutefois, d’un point de vue plus général et sociétal, on constate que l’attitude enfantine et l’attitude adulte dans les deux pays sont très différentes. Au Japon, l’adulte est celui qui est capable de «détecter l’atmosphère», de savoir, par exemple, ce que son interlocuteur attend de lui et d’adopter une attitude dont on suppose qu’elle lui convient. L’enfant, quant à lui, va dire tout ce qu’il ressent, sans pour autant s’intéresser à ce que son interlocuteur peut penser. En France, c’est le contraire. Puisque l’attitude enfantine est de rester passif, un peu renfrogné, sans rien dire. Tandis que les adultes vont dire tout ce qu’ils ressentent.
© n.cailleaud/CNEWSmatin
Karyn, dans le premier tome de «A Nos Amours», votre mari décrit votre rencontre de son point de vue. Mais comment ça s’est passé pour vous ?
Karyn Nishimura-Poupée : Nous nous sommes rencontrés lors d’une soirée en présence d’autres mangakas. Car c’est un milieu qui m’intéresse, ayant écrit un livre sur ce sujet [NDR : Histoire du Manga, aux éditions Tallandier]. Un ami journaliste m’avait expliqué que J.P. Nishi avait vécu en France et avait publié des mangas sur Paris. Lors de cette soirée, tout le monde était habillé de manière décontractée, sauf lui qui était en costume. Je le trouvais rigolo et nous avons engagé la conversation. Il m’a parlé de son manga sur Paris et m’avait prévenu aussitôt que cet ouvrage était disponible au rabais à 1 Yen sur Amazon, car il n’avait pas marché. Je l’ai quand même acheté 300 yens, par respect. Et j’ai beaucoup ri ! Deux mois se sont écoulés et nous nous sommes recontactés pour le travail. Je lui ai proposé de collaborer avec moi autour d’articles pour le site français Clubic. Nous avons alors commencé à tisser des liens plus proches.
Dans la vie de couple, qu’est-ce qui oppose les deux cultures ?
J.P Nishi : Ce qui est marquant, c’est la façon dont sont présentés les repas lorsqu’on mange en famille. Je l’explique dans le manga. Dans la cuisine japonaise il y a plein de petits plats que l’on met au centre de la table et tout le monde se sert. Ça c’est du quotidien. D’autres points sont intéressant à soulever. Par exemple, en France lorsqu’on se rend à une soirée, on fonctionne en couple et l’on y va ensemble. On va au cinéma, aux soirées ou au théâtre, toujours en couple. Au Japon, c’est l’inverse. Les hommes et les femmes sortent chacun de leur côté. Même lorsqu’on est invité chez des amis communs, il n’y en a qu’un qui s’y rend. Au restaurant, les hommes mangent ensemble et les femmes de leur côté.
Karyn Nishimura-Poupée : Pour moi, c’est la relation humaine qui est très différente. Je trouve important de pouvoir se parler, d’être sincère et franc et si des reproches doivent être faits, je considère qu’il faut les dire. De même pour les compliments. Sauf qu’au Japon, les couples ne se parlent pas. Il faut deviner ce que l’autre pense. C’est le «ça-va-sans-dire».
Au Japon, les gens se montrent-ils curieux de votre vie de couple, telle qu’elle est décrite dans votre manga ?
Karyn Nishimura-Poupée : Je pense que c’est pour cela qu’il y a des lecteurs !
J.P. Nishi : Ceux qui ont le plus grand intérêt sont ceux qui sont dans la même situation. Mais beaucoup de gens sont curieux des cultures étrangères et de savoir comment sont les Françaises. « A Nos Amours » bénéficie aussi d’un précédent, puisqu’un manga qui s’intitule « Mon chéri est étranger » a également suscité beaucoup d’intérêt autour des couples métissés.
Si je devais traiter d'une nouvelle culture, je m'intéresserai au Moyen-Orient.J.P. Nishi
Êtes-vous intéressés par d’autres types d’histoires pour vos récits ?
J’aimerai réaliser une fiction dont l’héroïne serait une mangaka qui s’amuserait à reprendre et mettre en scène tous les héros célèbres de mangas au Japon, avant de diffuser son travail sur les réseaux sociaux. C’est quelque chose qui se développe beaucoup au Japon et ce serait l’occasion d’analyser ce phénomène.
Après la France, souhaiteriez-vous également parler d’un autre pays, d’une autre culture ?
Bien sûr. Pour l’instant je n’en ai pas l’occasion, mais j’écoute les informations quotidiennement et j’apprécie de savoir ce qui se passe dans le monde. Si je devais traiter d'une nouvelle culture, je m’intéresserais au Moyen-Orient et aux pays musulmans. J’aimerai m’intéresser à une culture qui pose beaucoup de questions, mais que je ne connais pas.