Avec son compère Thierry Smolderen au scénario, Alexandre Clérisse vient d'être désigné gagnant du Prix BD Fnac 2017 pour L'Eté Diabolik (Dargaud). Un prix «encourageant» pour le jeune dessinateur, que Direct Matin a interviewé.
Quelles sont vos impressions après avoir reçu ce prix ?
C'est une très belle exposition pour l'album, qui a été en partie choisi par le public. Il y a tout un programme de dédicaces et de rencontres avec les lecteurs, c'est un des plaisirs de ce métier. J'espère que le prix va offrir une deuxième vie à l'album. C'est surtout encourageant pour la suite.
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C'est votre deuxième collaboration avec Thierry Smolderen. Une « vieille » connaissance, puisqu'il était votre professeur à l'Ecole d'art d'Angoulême...
Thierry etait mon prof de scénario et histoire de la BD. Il animait aussi un des premiers sites internet sur la BD, Coconino World, qui présentait le travail des étudiants et auteurs sortis d'école, mais aussi des auteurs classiques, des graveurs, ceux qui ont fait l'histoire de la BD. Il m'avait proposé de publier mon premier livre en feuilleton sur ce site. Après être sorti d'école, j'ai gardé contact avec lui, nous sommes devenu amis. Il avait ce projet, Souvenirs de l'Empire de l'Atome, qu'il m'a proposé, et notre collaboration s'est très bien passée. On a réussi à mettre en place quelque chose qui nous a plu. On a donc prolongé l'aventure avec L'Eté Diabolik.
Comment se passe un pareil duo entre anciens prof et élève ?
Il n'a pas eu du tout d'approche professorale. Il est arrivé très jeune dans cette école, et ses premiers auteurs sont maintenant reconnu, comme Dominique Bertaille, Laurent Bourlot, avec qui il a collaboré. On se perçoit comme collègues et amis avant tout.
Vous avez d'autres projets commun ?
Oui, le scénario est écrit, il faut maintenant que je le dessine! On poursuit l'exploration des époques. Après les années 1950 avec L'Empire de l'Atome, et les années 1960-70 avec Diabolik, on va travailler sur les années 1980, toujours avec le même principe de prendre la culture populaire, et de la mettre en scène dans une histoire moderne mais qui a des références à l'époque. Cette fois, ça sera autour de la naissance des jeux vidéos, de l'intelligence artificielle, des premiers ordinateurs, des jeux de rôle...Tout ce qui a pu être un moteur de création pour de nombreux auteurs par la suite.
Quel a été le travail de Thierry Smolderen en ce qui concerne les multiples références inscrites dans l'album ?
Pour la principale, celle faite au héros italien Diabolik, c'est Thierry qui m'en a parlé. Ce sont des albums qu'il lisait quand il était jeune, on a bien sûr regardé l'adaptation ciné de Mario Bava, très psychédélique. C'est assez passionnant de reprendre un style qui a priori m'est étranger pour voir comment je peux m'en inspirer.
Comment avez-vous procédé pour retranscrire à ce point l'ambiance des années 1960 ?
Je ne suis pas un grand connaisseur des années 1960, donc ça été un travail d'archéologue dans les codes de ces années là. Surtout le style psychédélique, qui est le résultat d'une multitude de créateurs, qui chacuns s'inspiraient. C'est ça qui donne un style à une époque. C'est aussi un des plaisirs de ce travail, faire redécouvrir le travail d'artistes qui ont « fabriqué » une décennie.
Thierry écrit beaucoup à partir d'une séquence de film, un décor, une atmosphère lumineuse..Il a collecté beaucoup de références visuelles qui retiennent son attention, de livres...puis m'a livré l'ensemble. Pour certaines scènes du scénario, il m'indiquait quel type de décor il souhaitait, et quelles pouvait être mes références. Tel architecte pourrait fonctionner avec tel peintre, etc...C'est alors à moi de de m'immerger dans ces univers, de le digérer, puis de le retranscrire à ma manière.
Vous travaillez beaucoup sur la forme, le format...?
Oui, j'aime bien faire ce travail. Je continue des projets parallèles en technique traditionnelle, autre que sur Illustrator. Je travail aussi beaucoup avec un atelier de sérigraphie à Angoulême. C'est un autre travail plastique.
Quel regard portez-vous sur ce secteur du 9eme art en plein boom ?
C'est très réjouissant. Même si il y a surcharge, c'est très stimulant de voir tous ces créateurs en France, y compris venus de l'étranger. C'est une chance, il y a peu de pays ou le marché est aussi mature, et les fans aussi nombreux. C'est agréable de voir autant de lecteurs, sur autant de sujets, et de formats différents.
L'apparition du numérique et de supports digitaux change-t-elle votre approche ?
On a crée avec Cortex Production à Angoulême une salle de réalité virtuelle, en relief, à 360°, qui permet l'interactivité. C'est la seule société au monde à l'avoir développée, et elle est visible au Festival. Thierry a fait le synopsis, et j'ai réalisé le graphisme, entre BD et jeux video. C'est donc quelque chose auquel on réfléchit, d'expérimenter des nouvelles fonctions, mais on a pas encore trouvé de format définitif. C'est un domaine à défricher, tout le monde est en recherche.
Justement, quelle sera votre actualité sur le 44eme festival d'Angoulême?
J'ai une exposition là-bas, pour la sortie d'un livre «cherche et trouve» sur le cinéma, aux éditions Milan. Je présenterai des sérigraphies autour de ça.
Quel sont les auteurs qui vous ont inspiré pour vous lancer dans la BD ?
Comme beaucoup d'auteurs, c'est Franquin qui m'a inspiré, qui m'a motivé pour en faire mon métier. Et puis j'ai découvert Chris Ware. Ca a été un choc narratif pour moi. David Prudhomme aussi, pour les attitudes de ses personnages, et avec qui j'ai eu la chance de travailler.
L'Eté Diabolik, de Thierry Smolderen et Alexandre Clérisse, éditions Dargaud, 168 p., 21€.