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CETA : pourquoi l’examen du traité de libre-échange entre l'UE et le Canada cristallise-t-il les tensions ?

Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) est un traité de libre-échange entre l’UE et le Canada conclu en 2014, dont 95% des mesures sont déjà entrées en vigueur. [PHILIPPE LOPEZ / AFP]

Le Premier ministre français Gabriel Attal a pris la direction du Canada ce mercredi 10 avril afin d’évoquer des dossiers stratégiques pour les deux pays. Il rencontrera son homologue Justin Trudeau ce jeudi pour évoquer le dossier alors que le Sénat a voté contre ce traité le 21 mars dernier.

En déplacement au Canada à compter de ce mercredi, le Premier ministre Gabriel Attal va rencontrer son homologue canadien Justin Trudeau ce jeudi matin afin d’évoquer le dossier du Ceta.

Ce traité, entré en vigueur à titre provisoire à l'échelle européenne le 21 septembre 2017, doit encore être ratifié par dix États européens. En France, le Sénat a voté contre le Ceta le 21 mars dernier sur fond de crise agricole touchant l’Hexagone ces derniers mois. Le sujet ne devrait pas faire son retour à l’Assemblée avant les prochaines élections européennes afin de bénéficier d’un «temps de débat apaisé» selon le gouvernement.

Qu’est-ce que le CETA ?

Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) est un traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada conclu en 2014, dont 95% des mesures sont déjà entrées en vigueur. Ce texte de 2.344 pages prévoit essentiellement trois types de mesures : une diminution des droits de douane ; une réduction des réglementations qui freinent indirectement le commerce (dites «barrières non tarifaires») ; et enfin un tribunal spécial accessible aux entreprises européennes qui investissent au Canada, et inversement.

Mais depuis dix ans, le CETA fait l’objet de débats enflammés entre ses soutiens, qui parient notamment sur ses retombées économiques, et ses opposants, qui brandissent les risques qu’il fait courir à l’agriculture européenne, à la santé et à l’environnement.

Volet économique

Le volet économique est le principal argument des pro-CETA : l’accord peut dynamiser le commerce transatlantique, en permettant aux entreprises européennes de conquérir de nouveaux marchés et de créer des emplois. Les premiers bilans montrent effectivement une hausse importante des échanges entre les deux blocs depuis 2017, de 37% (+ 51% pour les biens et + 10% pour les services). Mais cette hausse est à relativiser puisque l’augmentation des échanges en volume n’est «que de 9%». Cette dynamique pourrait donc s’expliquer par d’autres facteurs, et notamment l’inflation.

Volet agricole 

Les éleveurs bovins font partie des principaux opposants au CETA. Ils craignent que la baisse des droits de douane sur l’importation de viande canadienne ne leur fasse une concurrence déloyale. Pour l’heure, très peu d’éleveurs canadiens ont décidé d’exporter sur le marché européen, notamment en raison de normes qui demeurent différentes. En 2023, ils n’ont exporté vers l’Europe que 1.400 tonnes de bœuf, soit à peine 2% du volume permis par le CETA. 

Pour la France, les chiffres sont insignifiants : seules 29 tonnes de bœuf canadien ont été importées en 2023, soit 0,003% de notre consommation. C’est même plutôt l'inverse qui s’est produit. Les exportations de bœuf européen vers le Canada ont augmenté, de même que les exportations de fromages et de vins français. Mais certains craignent que la tendance s’inverse dans le futur, notamment si le marché asiatique se tarit : les Canadiens pourraient alors trouver un intérêt à investir dans des filières d’exportation vers l’Europe. 

Volet sanitaire 

L’une des principales craintes des détracteurs du traité se situe dans le volet sanitaire. En effet, dès 2017, une commission d’experts avait alerté le gouvernement français sur le risque que le CETA facilite l’importation de produits agricoles canadiens qui ne respectent pas les normes sanitaires et environnementales européennes. En effet, l’accord ne comporte aucune «clause miroir» qui impose aux exportateurs canadiens de s’aligner sur les standards européens : ils ont donc toujours la possibilité de nourrir leurs bœufs avec certaines farines animales ou de leur administrer des antibiotiques.

Volet environnemental 

Enfin, le texte est également très controversé de la part des écologistes qui lui reprochent un mauvais bilan carbone. En 2017, les experts mandatés par le gouvernement français avaient estimé que l’impact du CETA sur l’environnement serait légèrement défavorable, en raison de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre entraînée par la hausse des échanges commerciaux, et de l’absence d’engagements forts pour le climat dans l’accord pour la contrebalancer. Néanmoins plusieurs ONG spécialisées affirment que cet impact négatif pourrait être bien supérieur.

Volet judiciaire 

S’il entre pleinement en vigueur, le CETA instaurera une juridiction spéciale pour traiter les plaintes des entreprises canadiennes qui s’estiment lésées par les décisions de leur État d’accueil dans l’UE, et inversement. Ce système d’arbitrage, l’Investment Court System (ICS), a été pensé pour protéger les multinationales contre les expropriations. Mais il pourrait, selon ses détracteurs, être utilisé par les entreprises pour contester les législations sanitaires et environnementales défavorables à leurs intérêts.

Pour prévenir ce risque, l’UE a largement réformé le mécanisme initial et tenté de clarifier certains termes ambigus du traité. L’ICS pose toutefois encore des problèmes de neutralité et d’indépendance. Les associations écologistes considèrent qu’il fait peser une menace trop grande sur les actions des Etats pour le climat, faute d’inclure un véritable «veto climatique», qui empêcherait les litiges sur les questions environnementales.

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