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Violences interethniques en Inde : ce que l’on sait de la situation au Manipur

Le Premier ministre indien Narendra Modi a estimé que le pays devait avoir «honte» après la diffusion d'une vidéo montrant une foule faisant défiler deux femmes nues dans l'État du Manipur. [REUTERS/Stringer]

Les violences interethniques flambent dans l'État du Manipur en Inde, après la diffusion d'une vidéo montrant deux femmes nues exhibées par la foule.

Depuis deux mois et demi, au moins 120 personnes sont mortes dans l'État du Manipur en Inde, du fait de violences interethniques. Alors que le pouvoir indien se montrait silencieux depuis le début des troubles, une vidéo dans laquelle une foule exhibe deux femmes nues, a finalement contraint le Premier ministre Narendra Modi à prendre la parole.

Un État coutumier des violences

Situé au Nord-Est de l'Inde et bordé par la Birmanie, le Manipur est confronté depuis des décennies à des violences ethniques et séparatistes. Le regain des troubles a éclaté début mai après que la justice locale a rendu une décision recommandant le statut plus favorable de «tribu répertoriée» pour les Meiteis, ethnie majoritaire et principalement de religion hindoue, leur garantissant des quotas d'emplois publics et d'admissions dans les universités.

Des affrontements ont ainsi éclaté avec les Kukis, ethnie majoritairement chrétienne et originaire des montagnes, craignant que leurs territoires ne reviennent aux Meiteis, qui vivent principalement dans les plaines. Le conflit a finalement contraint l'armée indienne à intervenir militairement, tout en coupant internet et en imposant un couvre-feu partiel. «Au total, 23.000 civils ont été secourus jusqu'à présent et ont été transférés vers nos bases d'opérations ou garnisons militaires», avait précisé l'armée début mai, après des violences en marge d'une manifestation, menée par un syndicat étudiant tribal contre les quotas pour les Meiteis.

Le pouvoir indien silencieux

Face à la situation, le pouvoir indien s'est montré silencieux, heurtant l'opinion publique internationale. Alors que le Premier ministre Narendra Modi était l'invité d'honneur de la fête nationale française du 14 juillet, le Parlement européen avait la veille, appelé les autorités indiennes à «mettre fin rapidement aux violences ethniques et religieuses» dans l'état de Manipur, et à ce que les droits de l'Homme soient intégrés «à tous les domaines» couverts par le partenariat entre l'UE et l'Inde.

Déplorant des violences qui ont fait «au moins 120 morts, déplacé 50.000 personnes et détruit plus de 1.700 logements», les eurodéputés avaient dénoncé la «rhétorique nationaliste» des dirigeants politiques, sachant que le Bharatiya Janata Party (BJP), parti de Narendra Modi, est régulièrement accusé de galvaniser l'identité hindoue dans le pays. «Le gouvernement local du BJP attise le conflit», avait fustigé dans un communiqué l'eurodéputé Pierre Larrouturou (S&D, gauche). «En autorisant les forces armées à tirer sur les civils et en coupant les services Internet, le BJP instrumentalise les violences pour discriminer davantage les minorités non-Hindoues».

Narendra Modi sort du silence après une vidéo choquante

Six jours après le défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées, Narendra Modi a finalement été contraint de commenter la situation au Manipur. En cause, une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux ce mercredi 19 juillet, montrant deux femmes Kukis, exhibées nues et agressées par une dizaine d'hommes armés de fusils d'assaut. «L’une d’entre elles sera ensuite violée en réunion, hors caméra», précise RFI. Horrifiante, la séquence daterait en fait du 4 mai, conséquence du blocage d'internet par les autorités.

«Mon cœur est rempli de colère et de peine, Ce qui est arrivé aux filles de Manipur ne peut être pardonné. C’est une honte pour notre pays, et les coupables ne seront pas épargnés», a déclaré jeudi Narendra Modi, auprès de journalistes. Dans la foulée, la police de l'État a annoncé l'arrestation de quatre personnes, quand le ministre en chef du Manipur, N. Biren Singh, a déclaré sur Twitter qu'une «enquête approfondie» est en cours. «Nous veillerons à ce que des mesures strictes soient prises contre tous les auteurs, y compris en envisageant la possibilité de la peine capitale».

Pourtant, un rapport présenté par le groupe de la société civile Manipur Tribal Forum devant un tribunal en juin, avait affirmé que de nombreux et terribles actes de violence, notamment des viols et des décapitations s'étaient produits sans que les autorités de l'Etat n'ouvrent d'enquête. Les femmes Kukis de la vidéo avaient ainsi révélé au site The Wire que la police était présente sur place mais ne les avait pas aidées.

De quoi mettre un peu plus l'huile sur le feu, alors que l'opposition demande la démission des membres du BJP à la tête du Manipur. «Si le gouvernement n'agit pas, nous le ferons», avait déclaré le président de la Cour suprême, D. Y. Chandrachud, comme un avertissement à Narendra Modi, face à une situation dramatique, aux airs d'impasse.

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