Des centaines de manifestations, petites ou grandes, ont mobilisé des milliers de personnes samedi à travers les Etats-Unis contre la politique migratoire de Donald Trump et pour réclamer le regroupement immédiat des enfants et de leurs parents clandestins appréhendés à la frontière mexicaine, qui tarde à se réaliser.
L'un des grands rassemblements a eu lieu dans le parc jouxtant la Maison Blanche à Washington, avec des milliers de personnes de tous âges, dans une atmosphère oscillant entre indignation et tristesse, par 33 degrés. Ils ont ensuite défilé, passant notamment devant l'hôtel Trump.
New York, Boston, Chicago, Portland et Los Angeles ont aussi vu des foules de manifestants, avec la participation d'artistes comme Alicia Keys et Lin-Manuel Miranda à Washington, ou John Legend à Los Angeles, ainsi que des élus démocrates.
Dans la capitale américaine, l'enregistrement d'un enfant de migrants pleurant à la recherche de ses parents a été diffusé sur des hauts-parleurs.
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Jocelyn, une mère brésilienne, séparée de son fils pendant neuf mois, a témoigné de son calvaire au micro: «On lui a dit qu'il finirait peut-être par être adopté», a-t-elle raconté à la foule, déclenchant un cri collectif spontané: «Honte! Honte!»
«C'est du racisme à peine voilé», dit Dorothy Carney, une professeure de français venue de Charlottesville, en Virginie. «Le mal l'emportera si les gens bien ne font rien. Au moins, on fait quelque chose», relève-t-elle.
«Je suis en colère, triste, écoeurée», dit Rita Montoya, avocate de Washington originaire du Mexique, venue comme beaucoup d'autres avec ses jeunes enfants. «Nous sommes des enfants d'immigrés, nous contribuons à ce pays depuis suffisamment longtemps, il faut que ce pays commence à nous montrer un peu de respect».
«Les familles doivent rester ensemble» est le slogan de cette journée, alors que les autorités fédérales américaines ont désormais pour ordre de ramener les enfants auprès de leurs parents, une tâche qui s'éternise.
Mêmes scènes à New York, où l'on voyait aussi des slogans tels que «Abolissez l'ICE», la police de l'immigration, une cause auparavant marginale mais qui est en train de gagner en popularité au sein de la gauche américaine.
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Sur une pancarte, Courtney Malloy, avocate new-yorkaise de 34 ans, a écrit que «le seul bébé qui mérite d'être en cage est Donald Trump». «C'est vraiment très important pour nous de montrer au monde, et en particulier aux immigrés, que nous sommes de leur côté. Ceci n'est pas l'Amérique», dit-elle.
«C'est tellement cruel de séparer les enfants», renchérit Julia Lam, 58 ans, immigrée de Hong Kong dans les années 1980. «Je ne sais pas s'il se rend compte de ce qu'il a fait aux enfants».
Une cinquantaine de manifestants ont aussi protesté à Ciudad Juarez, côté mexicain de la frontière, et la circulation a été interrompue un moment au poste-frontière d'El Paso (Etats-Unis).
Le président, qui passe le week-end dans son golf de Bedminster près de New York, leur a répondu à distance: «Nos lois sont les plus bêtes du monde», a-t-il tweeté, en allusion aux lois qui empêchent de renvoyer immédiatement les clandestins passant la frontière, afin d'entendre leur éventuelle demande d'asile par exemple. «Les démocrates veulent des frontières ouvertes et sont faibles contre la délinquance!»
Abolir l'ICE
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Le président américain a annulé le 20 juin sa politique - censée être dissuasive - de séparation des familles de clandestins, mais environ 2.000 enfants sur plus de 2.300 attendaient toujours vendredi de retrouver leurs parents. Les mineurs sont pris en charge dans des foyers répartis dans tout le pays, parfois à des milliers de kilomètres du centre de détention où sont retenus leurs parents.
Un juge fédéral de San Diego (Californie) a donné trente jours aux autorités fédérales pour ces regroupements, et deux semaines quand les enfants ont moins de cinq ans.
C'est la lenteur de ce processus et l'annonce du gouvernement Trump que les familles entières seraient dorénavant placées en détention, sans exception pour la présence d'enfants, qui provoquent la colère de la gauche et le malaise d'une partie des républicains.
Plusieurs élus démocrates de haut rang souscrivent depuis quelques jours à la revendication de la suppression de l'ICE, dont le maire de New York Bill de Blasio et la sénatrice de New York Kirsten Gillibrand, candidate potentielle à l'élection présidentielle de 2020.
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Créée en 2003, moins de deux ans après les attentats du 11 septembre 2001, l'ICE incarne la politique de «tolérance zéro» de l'administration Trump, ses agents ayant pour tâche principale d'interpeller les personnes en situation irrégulière, en vue de leur expulsion.
«A tous les hommes et femmes courageux de l'ICE: ne vous inquiétez pas, gardez le moral. Vous faites du travail fantastique pour nous protéger en éradiquant les pires éléments criminels», a-t-il tweeté.