Le Canada est en passe de devenir le premier pays du G7 à légaliser le cannabis après l'adoption lundi par ses députés d'un projet de loi permettant la libre consommation et production de cette drogue douce dès septembre.
Le projet de loi a été adopté par la Chambre des Communes à 205 voix contre 82 et a été renvoyé au Sénat, qui l'avait amendé. En vertu de la constitution, le Sénat peut retarder l'adoption d'un projet de loi mais pas la bloquer.
Une fois cette réforme adoptée par la chambre haute, elle devra recevoir la sanction royale (signature du décret d'application).
Cela mettra fin à la prohibition du cannabis, en vigueur depuis 1923 au Canada, bien que l'usage à des fins médicales a été voté en 2001.
Une légalisation effective est ainsi attendue dès septembre, selon Bill Blair, député qui avait été mandaté par le Premier ministre Justin Trudeau pour piloter cette réforme, promesse phare de campagne.
«Nous envisageons une date d'entrée en vigueur comprise entre le début et la mi-septembre», avait indiqué dimanche M. Blair, ancien chef de la police de Toronto, en interview avec la chaîne CTV.
Le gouvernement libéral avait rejeté la semaine dernière 13 des 46 amendements proposés par le Sénat qui avait approuvé le projet de loi la semaine précédente au terme de sept mois d'étude.
L'un de ces amendements aurait laissé le choix aux provinces d'interdire la culture du cannabis à domicile, comme souhaitent le faire le Manitoba et le Québec. Mais le gouvernement s'y est fermement opposé et veut autoriser la culture de quatre plants de cannabis au maximum par personne.
«On reconnaît qu'il y a diverses perspectives à travers le pays mais nous avons fait les études et les consultations par rapport à la culture à domicile», avait déclaré Justin Trudeau en justifiant cette décision.
«Dans trois ans, on pourra réviser ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas» dans la loi, avait-il dit.
Manne fiscale
Le chef de gouvernement, qui avait avoué en 2013 avoir déjà fumé «cinq ou six fois» un joint avec des amis, justifie la légalisation pour sortir les trafiquants du marché et protéger les jeunes.
Justin Trudeau est d'ailleurs persuadé qu'après le Canada, d'autres grands pays vont suivre.
Certains pays occidentaux «reconnaissent que le Canada est en train d'être audacieux (...) et reconnaissent l'honnêteté» du pays, qui avoue que le système répressif actuel «ne fonctionne pas pour empêcher nos jeunes d'avoir un accès facile au cannabis», avait déclaré à l'AFP Justin Trudeau en mai.
«Dans beaucoup de pays, notamment au Canada, il est plus facile (pour un mineur, NDLR) d'acheter un joint que d'acheter une bière, ça n'a aucune logique ! Et, en plus, c'est une source de revenus épouvantables pour le crime organisé», avait-il ajouté.
En voulant écarter le crime organisé et le trafic illégal, le gouvernement canadien va au passage encaisser des recettes fiscales sur un marché estimé de 6 à 7 milliards de dollars canadiens (3,9 à 4,5 milliards d'euros).
Pour chaque gramme de cannabis vendu à un prix inférieur ou égal à 10 dollars, un droit d'accise d'un dollar canadien (0,65 euro) sera collecté avec une répartition entre l’État fédéral (un quart) et les provinces. A cela s'ajoutent les taxes à la consommation fédérales et provinciales allant au total de 10% à 15% environ selon les provinces.
Le ministre des Finances Bill Morneau table sur une manne fiscale de l'ordre de 400 millions de dollars canadiens, avec l'objectif de garder des prix bas pour se «débarrasser du marché noir».
Il revient aux provinces d'organiser la vente de cannabis dans des magasins autorisés, parfois sur le mode actuel des boutiques de vente d'alcool contrôlées par les pouvoirs publics.