La contestation antigouvernementale a repris jeudi en Arménie, à l'appel de l'opposant Nikol Pachinian qui exige une «capitulation» du parti au pouvoir, alors que la Russie, jusqu'ici à l'écart de la crise, commence à s'imposer comme médiateur.
Le vice-Premier ministre arménien, Armen Guevorkian, s'est rendu jeudi à Moscou pour des «consultations de travail» et devait revenir en Arménie dans la soirée, a indiqué à l'AFP un porte-parole du gouvernement arménien, sans plus de précisions.
Le chef de la diplomatie arménienne, Edouard Nalbandian, se trouvait également à Moscou jeudi pour des consultations, selon une source diplomatique citée par l'agence de presse russe Interfax.
Cette annonce intervient alors que le président russe Vladimir Poutine s'est entretenu mercredi au téléphone avec son homologue arménien Armen Sarkissian, les deux hommes appelant «toutes les forces politiques (en Arménie) à faire preuve de retenue et de responsabilité».
Nikol Pachinian, 42 ans, qui a mobilisé depuis le 13 avril des dizaines de milliers de personnes contre l'ancien président Serge Sarkissian devenu pour quelques jours seulement Premier ministre et contre son parti au pouvoir, s'est rendu pour sa part mercredi à l'ambassade de Russie en Arménie pour «discuter de la situation à Erevan et dans le pays», selon un communiqué de la mission diplomatique russe.
«La partie russe a appelé les organisateurs des manifestations et des défilés à un dialogue constructif avec les autorités en place et les autres forces politiques», précise le communiqué, en soulignant que «la situation doit être réglée uniquement dans le cadre du champ constitutionnel et dans l'intérêt des tous les citoyens d'Arménie».
Jusqu'ici, la Russie, qui absorbe environ un quart des exportations arméniennes et dispose d'une base militaire en Arménie, s'est tenue à l'écart de la crise qui a abouti lundi à la démission du Premier ministre Serge Sarkissian, après onze jours de contestation, le Kremlin soulignant à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'une «affaire intérieure arménienne».
«Candidat du peuple»
Un mégaphone à la main, M. Pachinian, député et opposant qui se présente comme le «candidat du peuple" au poste de Premier ministre, défilait jeudi à travers les rues d'Erevan, la capitale de cette ex-république soviétique du Caucase du Sud, à la tête des milliers de ses partisans, parmi lesquels de nombreux étudiants.
Après la démission de Serge Sarkissian, très contesté, son Parti républicain au pouvoir doit aussi «capituler devant le peuple», estime M. Pachinian, qui se dit lui-même «prêt à diriger le pays».
«Si le Parti républicain a l'audace de présenter un candidat, le peuple encerclera immédiatement les bâtiments du parlement et du gouvernement», avait-il lancé mercredi soir, devant ses partisans réunis dans le centre de la capitale arménienne.
A son appel, les manifestants ont bloqué jeudi des rues à Erevan, en brandissant des drapeaux arméniens. Une grande manifestation était également prévue dans l'après-midi sur la place de la République, au coeur d'Erevan et haut lieu de la contestation anti-Sarkissian.
«Si les Républicains ne veulent pas partir eux-mêmes, nous allons les forcer», a assuré à l'AFP Anna Mkrtchian, coiffeuse de 38 ans, qui a participé jeudi au défilé.
La candidature de M. Pachinian doit être proposée dans les prochains jours pour le poste de chef du gouvernement par le bloc d'opposition Yelk.
Une réunion extraordinaire du Parlement arménien, consacrée à l'élection du nouveau Premier ministre, a été fixée jeudi au 1er mai par le président du Parlement, Ara Babloïan.
«Tout dépend du nombre de candidats proposés par les partis, du nombre de députés qui souhaiteront prendre la parole (...). Mais il est très probable que nous aurons le temps d'élire le nouveau Premier ministre le 1er mai», a précisé à l'AFP le vice-président du Parlement, Edouard Charmazanov.
Lors du vote au Parlement, un candidat a besoin de 53 voix parmi les députés pour être élu. M. Pachinian ne peut compter actuellement que sur le soutien de 40 députés, selon un responsable du bloc Yelk. Le Parti républicain, au pouvoir, dispose de 58 sièges et a toutes les chances de faire élire de nouveau son candidat, une option catégoriquement rejetée par l'opposition.