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Covid-19 : une troisième dose de vaccin, pour qui et pourquoi ?

Jusqu'ici, le parcours vaccinal contre le Covid-19 était considéré complet après deux injections. Mais la question d'une troisième dose fait de plus en plus débat. Mise en pratique en Israël, l'idée fait son chemin en Allemagne et en Suède. Elle a aussi été évoquée par Emmanuel Macron lors de sa dernière allocution, notamment pour les personnes fragiles.

A l'époque, le 12 juillet dernier, le chef de l'Etat s'était appuyé sur un avis du Conseil scientifique publié quelques jours auparavant, le 6 juillet. Le document recommandait de proposer «la stratégie de rappel [...] à tous les Français de plus de 80 ans», qu'ils résident en Ehpad ou à domicile.

Ce, «même s'il n'existe pas de données actuellement», reconnaissait l'instance. Le Conseil scientifique partait du principe que «la balance bénéfice/risque pour cette approche est clairement en faveur d'un bénéfice, même potentiel, au vu de l'absence d'effets indésirables graves dans cette population». L'avis du 6 juillet n'excluait pas d'étendre, dans un second temps, la vaccination de rappel aux «décades d'âge inférieures».

Mais depuis la dernière allocution du président de la République, l'arbitrage concernant «les personnes qui seraient susceptibles de se voir proposer une troisième dose à la rentrée» n'a pas encore été clairement établi, a indiqué le ministère de la Santé, mardi 3 août. Pour l'heure, la vaccination de rappel n'est préconisée que pour les personnes immunodéprimées, notamment les patients greffés. A ce jour, «84.000 troisièmes injections» ont déjà été réalisées dans ce cadre.

Les autres catégories concernées devraient être officiellement annoncées «la semaine prochaine». Le ministère évoque «un consensus scientifique» sur un possible «affaiblissement des réflexes immunitaires autour de neuf mois après la première injection» chez les populations fragiles. A savoir les plus de 80 ans et les personnes à «très haut risque de forme grave».

Concernant l'élargissement de cette troisième dose à un public plus étendu, le ministère indique que c'est «un des sujets sur lesquels la Haute autorité de santé (HAS) doit se prononcer dans un avis attendu fin août». L'instance avait déjà publié une note sur le sujet le 16 juillet dernier, dans laquelle elle estimait qu'il n'y avait «pas lieu pour le moment» de proposer une troisième dose à l'ensemble de la population, faute de «données disponibles».

Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille, partage plutôt cette dernière analyse. Il estime que l'administration d'une troisième dose est justifiée pour les personnes âgées et celles qui sont immunodéprimées. Dans les deux cas, il s'agit de populations qui «ont une réaction immunitaire plus faible», et cette protection supplémentaire est selon lui intéressante pour «limiter la saturation des hôpitaux» et «éviter l'aspect crise sanitaire».

Mais l'expert est plus mesuré concernant l'extension de cette pratique à une part élargie des Français, voire à tous sans exception. «Il faut pouvoir montrer un bénéfice pour que cela se justifie», explique-t-il. Le professeur du CHU de Lille précise que les études à ce sujet sont encore en cours et préconise d'attendre d'avoir «des éléments scientifiques, objectifs». La «persistance de la protection après deux doses» est notamment une donnée clé à définir, pour savoir si l'immunité a besoin d'être ravivée au bout d'un certain temps.

«Pour l'instant, on en n'est pas là»

Invité sur RTL lundi 2 août, Alain Fischer a tenu un discours semblable. Interrogé à propos d'une éventuelle troisième injection pour tous, le «Monsieur vaccin» du gouvernement a répondu : «pour l'instant, on en n'est pas là». Evoquant une campagne de rappel «dès le début de l'automne» pour les personnes vulnérables, il estime qu'«on peut attendre un peu et voir quelles seront les données sur la persistance de l'immunité» pour le reste de la population.

Dans d'autres pays, la stratégie est différente. En Israël, par exemple, les injections de rappel ont non seulement déjà commencé, mais s'adressent aussi à tous les plus de 60 ans. La Suède, elle, prévoit de proposer cette troisième dose de vaccin contre le Covid-19 à «une grande partie» de ses habitants dès 2022, en commençant éventuellement par les plus vulnérables dès cet automne.

L'Allemagne, encore, veut ouvrir les vaccinations de rappel aux personnes, quel que soit leur âge et leur état de santé, qui ont été vaccinés avec les sérums d'AstraZeneca et Johnson & Johnson. Elles se verront proposer une dose d'un vaccin à ARN messager, Pfizer ou Moderna, afin de renforcer leur immunité.

Pour justifier cette décision, plusieurs pays ont évoqué des inquiétudes quant à la réduction de l'efficacité des vaccins par rapport aux variants observés et à venir. Ils se fient notamment aux chiffres révélés récemment par le laboratoire Pfizer, qui préconise une troisième dose pour renforcer l'action protectrice de son sérum. Mercredi 28 juillet, l'alliance Pfizer/BioNTech a assuré que cette injection de rappel «a des effets neutralisants contre le variant Delta plus de cinq fois plus élevés chez les jeunes et plus de onze fois chez les personnes plus âgées».

La troisième dose boudée par l'OMS

De son côté, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est pour l'instant montrée plutôt opposée à l'idée d'une troisième dose généralisée. Lors d'une conférence de presse, lundi 12 juillet, son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a exhorté les laboratoires à prioriser l'approvisionnement en vaccin des pays défavorisés plutôt que de chercher à «booster» l'immunité là «où la couverture vaccinale est relativement élevée».

Une prise de position avec laquelle Philippe Amouyel se dit en accord. Il considère qu'une stratégie à l'échelle mondiale est indispensable pour lutter efficacement contre le coronavirus. Sans cela, «on pourra se sauver des formes graves mais pas des éventuelle résurgences», assure-t-il. L'expert explique que les contaminations dans les pays où la couverture vaccinale est faible ont des conséquences sur l'ensemble de la planète car elles favorisent la circulation du virus et donc, potentiellement, l'apparition de nouveaux variants. Puisque «les doses ne sont pas infinies et la vitesse de production ne l'est pas non plus», il considère qu'il vaut mieux utiliser les sérums disponibles pour «vacciner un maximum de gens sur la planète», afin de «limiter la circulation du virus une bonne fois pour toutes».

Le professeur de santé publique n'exclut pas pour autant qu'il faille un jour opter pour une vaccination régulière contre le Covid-19. «Il s'agit d'un virus nouveau dans la population humaine, indique Philippe Amouyel. On apprend donc au fur et à mesure. Mais il y a un risque qu'il évolue en infection saisonnière», à l'image de la grippe. C'est d'ailleurs l'un des arguments avancés par la Suède pour justifier l'administration d'une troisième dose : les autorités estiment «qu'il n'est pas possible d'éradiquer le virus et que le travail de vaccination» doit donc être envisagé sur le «long terme».

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