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Paris : dernier round pour la création de la police municipale ?

[© Lionel BONAVENTURE / AFP]

Paris aura-t-il sa police municipale ? Le Parlement se penche actuellement sur cette anomalie historique. Mais dans un contexte sécuritaire très tendu, les débats s'annoncent longs et houleux. De quoi ébranler à nouveau l'alliance fragilisée entre Anne Hidalgo et les verts.

Cette mesure fait partie de la proposition de loi relative à la sécurité globale, déposée par la majorité LREM, et présentée à l'Assemblée nationale à partir de ce mercredi 4 novembre. Un texte imposant qui va être largement débattu pendant plusieurs semaines. A l'Assemblée et au Sénat, les élus de droite essayeront probablement de muscler son contenu. Et ceux de gauche ne manqueront pas d'égratigner l'ensemble de ce projet qui comprend aussi plusieurs articles polémiques, notamment sur l'encadrement des manifestations et la surveillance publique.

La création d'une police municipale parisienne, elle, fera sans doute l'unanimité, au moins sur le fond. Elle est en effet attendue par plusieurs formations politiques, après le rejet par les parlementaires macronistes d'un amendement en ce sens déposé par les socialistes en novembre 2019, à quelques mois des élections municipales. «Cette fois, le texte devrait être voté par une majorité massive LREM, LR et PS. Nous souhaitons que cela puisse aller le plus rapidement possible», répond à CNews Rémi Féraud, sénateur socialiste et président du groupe d'Anne Hidalgo (Paris en Commun) au conseil de Paris. Car après avoir été longtemps hostile à la création d'une telle force, la maire de la capitale a fait volte-face en janvier 2019, au point d'en faire une promesse de campagne pour sa réélection.

«Une police municipale, pour quoi faire ?»

Si le Parlement valide cette proposition, les élus parisiens vont-ils être consultés ? «Nous souhaitons en effet que le conseil de Paris puisse délibérer et voter sur la création de la police municipale. C'est une décision historique, qui doit faire l'objet d'un débat démocratique», répond-on à la mairie. Seul hic : les alliés écologistes d'Anne Hidalgo sont des opposants de longue date à cette création et devraient camper fermement sur leurs positions.

«C'est normal qu'il y ait débat et questionnements sur les missions, notamment : une police municipale, pour quoi faire ? Cela dit, ces questionnements se posent dans toutes les grandes agglomérations conquises par les écologistes aux dernières élections municipales. Et nous partageons avec elles exactement la même vision de la police municipale, de proximité, à l'image de la population, capable de créer une véritable relation de confiance avec les parisiens. Toute la majorité municipale peut se retrouver dans cette vision commune», espère-t-on à l'hôtel de ville.

Manifestement pas convaincus, les verts d'en démordent pas. «Créer une police municipale revient à confier aux villes une mission qui devrait être gérée par l'Etat. Cela entretient la confusion entre le rôle des collectivités et la mission de l'Etat qui est d'assurer la sécurité partout sur territoire», argumente Raphaëlle Rémy-Leleu, conseillère EELV de Paris et référente des sujets sécurité pour les écologistes. «Il s'agit aussi d'un marché de dupes de la part du gouvernement, pour ne pas compenser les réductions d'effectifs dans la police nationale ces dernières années. Et on sait qu'il y a un tel problème de manque d'effectifs et d'épuisement des agents...», regrette l'élue. Un témoignage de poids de la part de celle qui se revendique «fille de CRS».

Ces contradictions pourraient-elles provoquer de nouvelles secousses dans une majorité à la solidité déjà sapée par plusieurs crises ces derniers mois ? «Les discussions politiques seront peut-être tendues, mais nous savons que nous ne sommes pas d'accord sur le fond. Il n'y aura pas de mauvaise surprise. Cette question ne sera pas de nature à tendre nos relations», veut désamorcer Raphaëlle Rémy-Leleu, qui n'avait pourtant pas hésité à monter au front contre Anne Hidalgo dans l'affaire Girard. «Il n'y aura pas de dérapage, je n'ai pas d'inquiétude. C'est une question de position de fond, pas un casus belli», abonde tranquillement Rémi Féraud.

Pour autant, la position de ses alliés écologistes pourrait poser problème politiquement à Anne Hidalgo, en cas de vote au conseil de Paris. Avec 56 sièges, son groupe Paris en Commun est en effet cruellement dépendant des 23 élus EELV pour obtenir une majorité (82 votes sur 163) face aux 55 membres de la droite. Surtout, si les verts et la droite votaient de concert, comme c'est déjà arrivé par le passé, ils pourraient mettre Anne Hidalgo en minorité. Dans le premier cercle de la maire, Rémi Féraud montre plutôt de la confiance : «je ne vois pas la droite voter contre la création d'une police municipale. Et, même si c'est déjà arrivé, je ne crois pas à une alliance de circonstance droite-verts».

«La question ne se pose pas encore, le groupe n'a donc pas acté sa position», fait savoir Nelly Garnier, porte-parole du groupe Les Républicains au conseil de Paris, jointe par téléphone. Avant de finir par admettre : «ce qui est sûr, c'est qu'une police municipale n'a de sens que si elle est armée, sinon ce ne sont que des gardiens de parcs améliorés. Ce ne serait donc pas logique de soutenir une autre forme de police municipale». La gauche et la droite ont en effet une position diamétralement opposée sur cette question centrale de l'armement. La maire de Paris refuse d'équiper ses agents avec des pistolets et plaide pour des armes non-létales, comme des tonfas ou des gaz lacrymogènes. Le Taser, évoqué, ne devrait pas être retenu.

«La police municipale a vocation à s'occuper de tous les problèmes sur la voie publique, du stationnement jusqu'à la délinquance, et donc possiblement le terrorisme. Nice et Vienne l'ont encore prouvé. Des armes non-létales seraient insuffisantes, quand on voit le niveau de violence actuel», affirme avec conviction Nelly Garnier. Et cette proche de Rachida Dati d'ajouter : «une police municipale armée est un vrai soutien pour la police nationale, qui lui permet aussi de libérer du temps pour se consacrer à l'investigation et au démantèlement des trafics. Ce qui serait bien utile aujourd'hui dans des quartiers périphériques de Paris très touchés par ce problème».

La police nationale pour le terrorisme, la municipale pour la tranquillité

Les derniers événements n'ont toutefois pas fait évoluer l'avis de l'équipe d'Anne Hidalgo. «Notre position n'a pas changé. Bien sûr que les policiers municipaux de Nice ou à Lyon ont été formidables et courageux. Mais à Paris, l'organisation de la sécurité est différente, et la préfecture de police répond parfaitement au risque antiterroriste. On l'a vu lors des derniers attentats, comme lors de l'attaque près des anciens locaux de Charlie Hebdo. A Paris, on préfère bien distinguer les missions avec des policiers municipaux centrés sur la tranquillité publique dans les rues, sur les trottoirs, dans les jardins, afin justement que la police nationale soit bien concentrée sur la délinquance et le risque terroriste», souligne-t-on à l'hôtel de ville.

«Je n'en sais rien pour le futur, mais ce à quoi on s'est engagé, c'est à la création d'une police municipale sans arme létale. Et je crois qu'au moment de sa création, ce sera le cas», avance avec précaution Rémi Féraud. Quel que soit l'équipement qui leur sera dévolu, «des échanges de travail sont en cours entre la ville et le ministère de l'Intérieur», indique ce proche de la maire socialiste, en vue de la prochaine transformation des 3.400 agents actuels du service municipal de «sécurité du quotidien» parisien.

L'adjoint à la sécurité, Nicolas Nordman, doit d'ailleurs prendre la parole officiellement sur le sujet la semaine prochaine. Mais il a déjà détaillé son objectif à terme : que cette force «soit paritaire, formée à la lutte contre les discriminations et à l'accompagnement des victimes de violences sexistes et sexuelles. Elle aura 5.000 agents et sera accessible 24/24h et 7/7j». Avec un calendrier parlementaire surchargé, il faudra néanmoins probablement attendre le courant de l'année 2021 pour voir des agents vétus du blouson floqué «police municipale de Paris».

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