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Pourquoi l’affaire du petit Grégory nous fascine tant ?

Le corps de Grégory Villemin, 4 ans, a été découvert le 16 octobre 1984 dans les eaux de la Vologne (Vosges), pieds et poings liés.[AFP]

La garde à vue de Murielle Bolle en 1984, quelques jours après la découverte du corps du petit Grégory Villemin dans les eaux de la Vologne, vient d’être invalidée. Le dernier rebondissement d’une affaire qui ne cesse de fasciner les Français, au gré de ce qui est devenu un véritable feuilleton judiciaire.

Un signe ne trompe pas lorsqu’il s’agit d’aborder l’attrait que suscite ce fait divers : la série-documentaire «Grégory», de Netflix, a été la deuxième plus visionnée sur la plate-forme en 2019 parmi ce type de programme, alors qu’elle n’est sortie qu’à la fin du mois de novembre. La chaîne TF1 va également décliner l’affaire à travers six épisodes, avec des acteurs comme Michaël Youn ou Guillaume de Tonquédec.

Il faut dire que trente-six ans après la mort du garçon de 4 ans, l’enquête est toujours pleine de mystère. «Aucune vérité judiciaire n’est arrêtée, rien n’a été jugé», abonde Lucie Jouvet-Legrand, maître de conférence en socio-anthropologie et chercheuse au sein du LASA-UFC sur le thème des faits divers, lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi l’opinion publique suit d’aussi près l’affaire.

Aujourd’hui encore, alors que les investigations suivent leurs cours, le dossier semble plus flou que jamais, sans élément concret qui permettrait de faire ressortir avec force une piste menant au tueur.

«Le sang a toujours fait couler beaucoup d’encre»

Un autre facteur à prendre en compte tient tout simplement dans la personne de la victime. Un enfant de 4 ans, symbole de l’innocence, perçu dans l’esprit collectif comme un être faible, incapable de se défendre. «Il incarne une offense particulièrement forte faite à la société. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il s’agit d’un crime abject», reprend Lucie Jouvet-Legrand. De plus, la plupart des gens ont pu s’identifier, car parents eux-mêmes ou ayant un enfant dans leur entourage. «Ceci créé une catharsis, on se projette dans ce crime par procuration», poursuit-elle.

La fascination pour l’affaire Grégory tient aussi à l’attrait que suscitent les faits divers dans la population. Un phénomène amplifié par leur médiatisation. «Le sang a toujours fait couler beaucoup d’encre», explique la chercheuse. Ce meurtre sordide en a été la parfaite illustration, les journaux et magazines en faisant un feuilleton dont il était possible de suivre les moindres rebondissements, et ils ont été nombreux, à chaque parution.

la vérité éclatera-t-elle un jour ?

Ces innombrables coups de théâtre ont participé eux aussi, et le font toujours, au «mythe» qui s’est bâti autour de l’enquête. Lettres d’un corbeau, déclarations confirmées puis niées, assassinat commis par vengeance, non-lieux, réouverture du dossier, nouvelles analyses ADN qui ne mènent à rien, suicide du premier juge à instruire l’affaire, mises en examen finalement annulées pour vice de procédure… jusqu’à l’invalidité de la garde à vue de Murielle Bolle. Chacun de ces faits a permis d’ouvrir, et de suivre, de nouveaux chapitres dans le récit de ce crime.

Il s’agit également d’un «fiasco judiciaire, qui permet de mettre en intrigue l’enquête», estime Lucie Jouvet-Legrand. «Sa résolution apparaît de plus en plus incertaine, mais le dossier n’est pas vide. A chaque nouveautés, on se demande : "est-ce que l’on s’approche enfin de la vérité ?"». En attendant que celle-ci éclate, si elle le fait un jour, de nombreux détectives en herbe ont fleuri sur les réseaux sociaux pour partager leurs propres raisonnements.

Symbole d’une fascination qui se transmet aussi vers les générations nouvelles, dont les membres n’étaient parfois pas encore nés au moment du meurtre du petit Grégory.

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